Google transforme la recherche avec l’IA. Quel impact pour la presse ?

L’utilisation de résultats de recherche générés par l'IA devrait réduire le trafic que Google envoie aux sites des éditeurs, car de plus en plus de personnes obtiendront ce dont elles ont besoin directement à partir de la page de recherche de Google.

Laura Hazard Owen Owen Huchon

Arti­cle traduit par Owen Huchon  — Ver­sion orig­i­nale pub­liée sur le site du Nieman Lab le 11 mai 2023.

Lors de sa conférence annuelle I/O qui s'est tenue le 10 mai 2023, Google a annoncé une série d'«expériences» et de changements à venir dans le domaine de la recherche.

Une transition qui ne fait que commencer, mais si ces changements sont généralisés, il s'agira de la plus importante refonte d'un espace crucial de l'internet depuis un certain temps. Ce changement pourrait réduire considérablement le trafic que Google envoie aux sites des éditeurs car davantage de personnes pourront obtenir ce dont elles ont besoin directement à partir de la page de recherche de Google. Il pourrait également nuire aux revenus d'affiliation que les éditeurs tirent des recommandations de produits tiers.

D'un autre côté, un nouveau filtre de recherche imaginé par Google, visant à mettre en valeur les humains, pourrait aider à mettre en valeur des journalistes, des chroniqueur·euses et des bulletins d'information individuels - peut-être.

« Search Generative Experience » (SGE)

Google va placer des réponses générées par l'IA en haut de certaines pages de recherche. Voici comment l'entreprise décrit cette méthode :

Prenons la question suivante : « Entre le Bryce Canyon et le parc national des Arches, lequel est le plus adapté à une famille avec de jeunes enfants et un chien ? ». Normalement, il vous faudrait poser plusieurs questions plus courtes et plus précises et vous frayer un chemin parmi toutes les informations disponibles, pour recoller les morceaux vous-même. Grâce à l’IA générative, le moteur de recherche peut faire cela pour vous. Vous obtiendrez un résumé des informations clés générées par l’IA ».

Geoffrey Fowler, journaliste technologie au Washington Post, a testé cette fonctionnalité et a décrit la manière dont la SGE cite ses sources :

Lorsque la SGE de Google répond à une question, elle inclut ses sources sous la forme de plusieurs liens facilement visibles sur le côté gauche. En tapant sur une icône dans le coin supérieur droit, l'affichage s'agrandit pour proposer, pour chaque phrase, un lien vers un site. Il y a deux façons de voir les choses : Cela pourrait m'éviter de cliquer et d'avoir à parcourir un site rempli d'informations superflues. Mais cela pourrait aussi signifier que je n'irai jamais sur cet autre site pour y découvrir quelque chose de nouveau ou un élément de contexte important.

Les trois premières sources s'affichent par défaut, mais il est possible d'en afficher d'autres.

Le contenu généré par l'IA sera également intégré dans les résultats d'achat. Si vous cherchez quelque chose comme « une enceinte Bluetooth pour une soirée piscine à moins de 100 dollars » ou « un bon vélo pour un trajet de 5 miles avec des côtes », vous obtiendrez une liste de produits recommandés, constituée par l'IA. Je n'ai pas testé cette fonctionnalité, mais en plus d'empêcher les utilisateurs d'accéder aux pages des éditeurs, il semble que ce ne soit pas une bonne nouvelle pour les éditeurs qui gagnent de l'argent grâce aux liens d'affiliation.

Google précise que son SGE est encore à l'état d'expérience et qu'elle n'est pas encore disponible à grande échelle. (Si vous souhaitez l'essayer, il faut résider aux États-Unis et s’inscrire à une liste d’attente). En plus de cet accès limité, David Pierce, de The Verge, note qu'il est censé y avoir des limites à ce que Google utilisera pour répondre à l'IA :

Toutes les recherches ne donneront pas lieu à une réponse de l'IA - elle n'apparaît que lorsque les algorithmes de Google estiment qu'elle est plus utile que les résultats standards, et les sujets sensibles tels que la santé et les finances sont actuellement configurés de manière à éviter toute interférence de l'IA. Mais lors de mes brèves démonstrations et tests, l'IA s'est manifestée lorsque je faisais des recherches sur des cookies aux pépites de chocolat, Adele, les cafés les plus proches ou les meilleurs films de 2022.

Par exemple, lorsque Will Knight, de Wired, a demandé « si Joe Biden est un bon président ou des informations sur les lois sur l'avortement des différents États américains, elle a refusé de répondre ». Même si l'IA de Google n'est pas censée avoir d'opinion, il semble qu'elle s'y glisse parfois. The Verge à nouveau :

À un moment donné de notre démonstration, j'ai demandé [à Liz Reid, vice-présidente de la recherche chez Google] de ne rechercher que le mot « Adele ». La réponse de l'IA contenait plus ou moins ce à quoi on pouvait s'attendre - des informations sur son passé, ses succès en tant que chanteuse, une note sur sa récente perte de poids - et ajoutait ensuite que « ses performances en direct sont encore meilleures que ses albums enregistrés ». L'IA de Google a des opinions ! Reid a rapidement cliqué sur le menu latéral révélant que cette phrase avait pour origine un blog musical, tout en reconnaissant qu'il s'agissait d'une défaillance du système.

Des « joyaux cachés »

Google étend également l'utilisation d'un filtre de recherche appelé « Perspectives », qui intègre dans les résultats de recherche des contenus créés par les utilisateurs, tels que des messages Reddit, des vidéos YouTube et des articles de blog. Ce changement intervient à un moment où les Américain·es recherchent de plus en plus de nouvelles et d'informations provenant d'individus, et non d'institutions, et où TikTok et Instagram grignotent la part de marché de Google dans le domaine de la recherche. Voici ce que dit Google :

Dans les semaines à venir, lorsque vous chercherez quelque chose qui pourrait bénéficier de l'expérience d'autres personnes, vous verrez peut-être un filtre « Perspectives » apparaître en haut des résultats de recherche. En appuyant sur ce filtre, vous verrez exclusivement des vidéos, des images et des messages écrits, courts ou longs, que les internautes ont partagés sur des forums de discussion, des sites de questions-réponses et des réseaux sociaux. Nous afficherons également plus de détails sur les créateurs de ce contenu, tels que leur nom, leur photo de profil ou des informations sur la popularité de leur contenu. Les informations utiles se trouvent souvent dans des endroits inattendus ou difficiles à trouver : un commentaire dans un fil de discussion, un message sur un blog peu connu ou un article présentant une expertise unique sur un sujet. Notre système de classement du contenu utile affichera bientôt davantage de ces « joyaux cachés » dans le moteur de recherche, en particulier lorsque nous pensons qu'ils améliorent les résultats. »

« Nous constatons que nos utilisateur·ices, en particulier les plus jeunes d'entre eux, veulent connaître l'avis d'autres personnes », a déclaré Liz Reid, vice-présidente de la recherche chez Google, à The Verge. « Ils et elles ne veulent pas seulement entendre parler d'institutions ou de grandes marques. Comment pouvons-nous donc faciliter l'accès à ces informations ? »

Au fur et à mesure du déploiement de « Perspectives », il sera intéressant de voir comment Google définit les « autres personnes » : Les journalistes ou les chroniqueur·euses d'opinion qui travaillent pour des journaux sont-ils pris en compte ? Les newsletters sur Substack seront-elles mises en avant ? Cette fonctionnalité pourrait potentiellement profiter aux grands éditeurs de presse ainsi qu'aux journalistes qui travaillent seul·es, mais le doute plane encore.

Note de la rédaction

Ce texte ne con­stitue pas une tra­duc­tion mot à mot de l’article orig­i­nal pub­lié sur le site du Nie­man Lab. Nous avons ajouté des élé­ments de con­tex­tu­al­i­sa­tion, adap­té cer­taines expres­sions et sup­primé cer­tains pas­sages con­tenant des références pointues adressées à des lecteurs·ices anglo­phones ou Américain·es. Nous avons égale­ment fait le choix d’appliquer à cette tra­duc­tion les règles de l’écriture inclu­sive, con­for­mé­ment à la charte édi­to­ri­ale en vigueur sur l’ensemble des con­tenus Médianes.

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Laura Hazard Owen

Laura Hazard Owen est éditrice du Nieman Journalism Lab.

Owen Huchon Twitter

Owen Huchon est journaliste chez Médianes. Il est en charge de la communauté.