Podcast — Benoît Baume, Fisheye : s’imposer comme un média spécialisé (3/6)

Benoît Baume est le fondateur de Fisheye, une revue qui met en lumière les auteurs et autrices photographes émergents. Il est l'invité du troisième épisode de la première saison de Chemins, le podcast de Médianes.

Margaux Vulliet
Margaux Vulliet

Benoît Baume est le fondateur de Fisheye, une revue qui met en lumière les auteurs et autrices photographes émergents. Il y a dix ans, l’équipe était pionnière à vendre une telle proposition éditoriale. Alors comment imposer sa patte éditoriale ? Comment trouver la bonne proposition pour se démarquer ?

Transcription intégrale

Margaux Vulliet : Bonjour à tous, bonjour à toutes. Bienvenue dans le podcast de Médianes qui va à la rencontre des fondateurs et fondatrices de médias pour qu'ils et elles vous partagent leur retour d'expérience. Je suis Margaux Vulliet, journaliste chez Médianes, et vous écoutez Chemins. Dans cet épisode, nous allons à la rencontre de la revue Fisheye. C'est une revue sur la photographie qui sort tous les deux mois. C'est aussi une galerie, une agence et des contenus pour les marques. Fisheye a pour ambition de mettre en lumière les auteurs et autrices photographes émergents. Le média fêtera ses dix ans l'année prochaine. Et il y a dix ans, ils étaient les pionniers à vendre une telle proposition éditoriale. On leur a dit "ça ne fonctionnera jamais", et ils sont là, installés dans l'univers de la photographie. Alors, comment on impose sa patte éditoriale ? Comment on trouve la bonne proposition pour se démarquer, comment a évolué la presse spécialisée ces dernières années ? On en parle avec Benoît Baume. Benoît, bonjour.

Benoît Baume : Bonjour. 

Margaux Vulliet : Merci d'avoir accepté notre invitation, tu es le fondateur de Fisheye. Est-ce que déjà avec cette introduction tu as des choses à compléter sur la présentation du magazine ?

Benoît Baume : Oui, il y a toujours des choses à compléter parce qu'un média, aujourd'hui, est en perpétuelle évolution. Donc en tout cas on ne peut pas lui donner une définition qui est figée parce que presque de semaines en semaines, elle évolue. Elle va essayer de s'insérer dans l'air du temps, essayer de comprendre les tendances et d'y répondre à la fois d'un point de vue éditorial mais aussi d'un point de vue business model où les choses ont beaucoup évolué pour nous en neuf ans. On n'est plus du tout la même société qu'il y a neuf ans, en tout cas on ne fait plus du tout notre chiffre d'affaires de la même manière.

Margaux Vulliet : On y reviendra d'ailleurs. Dans mon introduction, j'ai dit auteurs, autrices photographes et non photographes seulement car pour Fisheye, cette distinction à son importance. Pourquoi ?

Benoît Baume : Elle est très importante parce que ce qui nous intéresse ce sont les gens qui ont des choses à raconter avec leurs images. On considère la photographie comme un moyen d'expression, comme pour l'écriture, ou comme elle est plus généralement très consacrée, dans le cinéma ou la vidéo. Et finalement, on oublie un petit peu que la photographie est un moyen d'écriture, d'expression d'un certain nombre d'idées. Alors évidemment, avec un côté artistique mais pas que, puisqu'il y a aussi des messages très forts liés à la société. Ce qui nous intéresse, c'est de quelle manière par son écriture, par son récit visuel, on va réussir à embarquer le spectateur dans ce chemin-là qui est tracé par l'auteur. C'est pour ça qu'on parle vraiment d'auteurs et d’autrices puisque c'est là que, pour nous, se nouent les choses. Le côté esthétique de la photo n'est pas l'élément primordial ; ce qui est extrêmement important, c'est la manière dont on va créer un discours et qu'on va l'exprimer par ses images. Et évidemment que le côté esthétique des photos est important puisque c'est un des facteurs qui va faire que les photos pourront être diffusées et être vues, mais il faut que ça vienne s'insérer dans un discours beaucoup plus global.

"L'objet-même de notre magazine est lié à son support."

Margaux Vulliet : Si tu devais dire rapidement ce qu'on peut trouver dans Fisheye à quelqu'un qui ne l'a jamais ouvert, sans trop en dévoiler non plus, que dirais-tu ?

Benoît Baume : C'est un magazine dans lequel on est assez attentifs à la forme puisqu’on considère que s'il ne devait rester qu'un seul type de magazine à la fin des fins, ce serait les magazines de photos. Une photo imprimée ce n'est pas une photo en digital. Donc l'objet-même de notre magazine est lié à son support. Une photo sur un écran et qu'on va imprimer sur un papier — et suivant le type de papier ce n'est pas du tout le même rendu — c'est pas du tout la même chose. Donc nous, par exemple, on a fait le choix d'avoir deux papiers différents — à l'heure actuelle de l'explosion du prix du papier depuis un an et demi, dans des proportions qu'on n'a jamais connues. 

Margaux Vulliet : Ce qui n'a pas eu de conséquence sur le prix du magazine ?

Benoît Baume : Alors on avait déjà augmenté le prix du magazine puisqu'en neuf ans, on est passés de 4,90 € à 6,00 €, et maintenant on est a 7,50 €. On n'a pas répercuté à nouveau ce prix-là. Par contre, les prix de l'impression et du papier ont augmenté de manière très importante mais justement on a un modèle économique qui fait qu'on peut résister à ça. Aujourd'hui, ce qui est fondamental, c'est justement la qualité de l'objet qu'on propose, donc que ce soit sur ces 60 pages qui sont au milieu du magazine, sur un papier non couché très mat, un peu texturé, sur lequel il y a nos portfolios, qui donne vraiment un aspect presque livre à la revue. Et puis, en opposition, au début et à la fin, un papier couché brillant qui se rapproche beaucoup plus de ce qu'on pourrait retrouver dans des magazines de modes par exemple. Donc on a fait ce choix d’avoir ces trois séquences dans le magazine : une séquence en introduction, où on va retrouver plutôt des actus, des portraits, des projets, des choses qui nous semblent des tendances de fond dans la société par rapport à l'image. Il y a toute une partie portfolio au milieu, avec ce qu'on appelle des stories, c'est-à-dire des vraies histoires qui sont racontées à travers ces images. Et puis à la fin, on va retrouver toute une partie agenda. Et puis beaucoup de choses autour de l'univers des livres et pas mal de chroniques aussi parce qu'on a pas mal de gens qui interviennent pour réfléchir autour de la notion de l'image contemporaine.

"Il y a quelques années ça aurait été impensable de rentrer sur ce marché là qui était très structuré.

Margaux Vulliet : Alors justement, que ce soit autant dans la forme que dans le fond, ça permet de se démarquer. Pour autant, si je dis que Fisheye est un média de référence dans le domaine de la photo, tu n'es pas tout-à-fait d'accord avec la notion de média de référence. Pourquoi ?

Benoît Baume : Parce que le magazine photo en tant que tel était quand même plutôt dominé par les magazines dits techniques. Pendant très longtemps, le plus gros magazine photo au monde, c'était un magazine français qui s'appelait Chasseur d'images — qui s'appelle toujours —, qui était un magazine qui faisait des tests d'appareils photo. Aujourd'hui, clairement, c'est un média qui est plutôt en perte de vitesse, comme ont pu l'être des médias très forts. Il y a des magazines qui étaient très importants il y a encore cinq ans qui ont disparu, comme le monde de la photo. Il y a pas mal de titres qui ont disparu ces dernières années, ou des titres qui ont essuyé des gros revers. Je pense au magazine mythique, Photos, qui appartenait à Lagardère pendant très longtemps, puis qui a été racheté avant d'être revendu dernièrement au Studio Harcourt, un magazine qui s'est arrêté de paraître pendant un moment, qui a pas mal évolué dans sa forme. Et ce que je veux dire, c'est qu'il y a quelques années ça aurait été impensable de rentrer sur ce marché-là qui était très structuré. Et finalement, l'explosion de ce marché-là nous a laissé une place. Mais on est nous-mêmes extrêmement atypiques parce qu’on n'est pas tout-à-fait dans la même case que les magazines que je viens de décrire ici. On a un peu réinventé un modèle au milieu du magazine photo, mais on ne cherche pas pour autant à nous copier parce que je pense qu'on est un modèle qui est dur à copier aussi.

Margaux Vulliet : Tu évoquais justement les autres médias photo alors qui ont pu disparaître ou d'autres qui sont toujours là. Fisheye s'est lancé en 2013. Comment, à ce moment-là, tu observais l'écosystème des médias sur la photo. Il y a dix ans, comment ça se passait ?

Benoît Baume : Il y avait des médias qui étaient très forts. Ce qu'il faut prendre en compte, c'est que ce marché était drivé par la publicité des marques d'appareil photo, qui avaient énormément d'argent à l'époque puisqu'il faut se souvenir que le marché du digital, de l'équipement, c'est-à-dire du passage de l'argentique au digital s'est prolongé en croissance extrêmement forte jusque 2011, 2012. En 2013, c'est le début du déclin du marché du digital qui se voit attaqué par l'arrivée des smartphones. Mais à l'époque, les marques d'appareils photo Canon, Nikon, Sony, Panasonic, Fuji ont énormément d'argent et surinvestissent en publicité en se disant qu'ils vont compenser les pertes éventuelles par le fait de faire passer les gens des appareils compacts aux reflex ou aux hybrides, qui était naissants. Donc ils continuent à investir de manière massive, mais le marché a tellement chuté, puisqu'il faut imaginer qu‘entre 2012 et 2021, le marché de l'appareil photo a été divisé par 10. Donc c'est un séisme énorme. Les mannes de financement qui tombaient sur cette presse très spécialisée ne sont plus arrivés jusque dans les médias, et nombre de médias ont soit revu leur ambition nettement à la baisse, soit ont disparu. Donc nous dans ce contexte-là, on a réussi à se frayer un chemin.

"C'était assez évident qu'il y avait quelque chose qui se jouait autour de l'image parce que contrairement à d'autres marchés qui s'effondrent, la pratique de la photo ne s’est pas du tout effondrée."

Margaux Vulliet : J'ai envie de dire, tu vois des médias qui disparaissent, toi tu dis "j'arrive avec un nouveau média", c'est assez surprenant.

Benoît Baume : C'est surprenant, mais à la fois je venais moi-même d'un média photo parce que j'étais directeur de la rédaction d'Images qui était un autre magazine de photographies contemporaines. Donc je connaissais ce marché, je connaissais ces acteurs donc je ne débarquais pas dans l'écosystème. Deuxièmement, je voyais bien qu'il fallait réinventer le modèle économique qu'il ne fallait pas faire peser uniquement le modèle économique sur la pub, les abonnements et les ventes. Et troisièmement, c'était assez évident qu'il y avait quelque chose qui se jouait autour de l'image, parce que contrairement à d'autres marchés qui s'effondrent, la pratique de la photo ne s’est pas du tout effondrée. Il y avait un paradoxe énorme entre le marché des appareils photos qui s'effondrait, et la pratique qui n'avait jamais été aussi intense du côté des utilisateurs. Et donc ça, c'est une dichotomie que les gens avaient du mal à saisir, à comprendre. Ce qu'il faut prendre en compte aussi, c'est que le marché s'est professionnalisé, donc il y avait besoin de parler aux utilisateurs professionnels. Fisheye a toujours été aussi lu par des professionnels, on s'en est plutôt pas mal sorti de ce côté-là. De l'autre côté, on continuait à développer aussi d'autres types de relations puisque l'image est devenue extrêmement importante, notamment par le vecteur d'Instagram. Du coup, toutes les marques, et notamment les marques de luxe, les marques de mode se sont emparées de l'image comme un facteur différenciant. On a aussi eu la chance de bénéficier de la publicité de ces marques de luxe qui venaient chercher ici, je dirais, un rapport à une communauté créative qui était importante pour elle. En fait, on a remplacé la perte des annonceurs photos par des annonceurs plus lifestyle ou plus mode.

Margaux Vulliet : Au-delà d'apporter un nouveau regard sur ce marché-là avec un nouveau modèle économique, pourquoi cette envie de lancer Fisheye ?

Benoît Baume : Jétais directeur de la rédaction d'Images. C'était un très beau magazine, mais qui montrait plutôt le résultat, il faisait plutôt des portfolios, qui parlait plutôt des auteurs que de techniques, mais qui le faisait souvent avec des auteurs assez classiques, ou en tout cas des gens qui avaient déjà une reconnaissance forte ; que ce soit par les différents festivals, par des publications, par des expositions, dans des musées. Et donc on avait du mal à traiter la question de l'émergence. À l'époque, les réseaux sociaux apparaissaient, ou en tout cas commençaient à se structurer et on avait un certain nombre d'auteurs qui apparaissaient de manière un peu spontanée, et on avait du mal à rendre compte de cette nouvelle scène. Je trouvais que c'était un regard sur le monde qui était nouveau, le monde changeait extrêmement vite. Qui mieux que des auteurs photographes qui nous racontent le monde visuellement pour nous faire prendre conscience de ces changements ? Parce que c'est la force de la photo, ça arrive à figer quelque chose qui marque nos consciences et nos imaginaires de manière très forte. J'avais du mal à bouger mes propres équipes. Je sentais que ça se faisait beaucoup dans une forme de tension, et ce n'est pas forcément la chose à laquelle j'aspirais. Je me suis dit « si tu n'arrives pas à le faire ici, fais-le ailleurs et décide de le faire », et c'est comme ça qu’est né Fisheye. Le nom est lié à cette idée d'avoir un regard extrêmement large sur le monde. Fisheye est une optique en photographie avec un angle extrêmement large, je décide de cela pour cette raison-là et pour une deuxième raison, qui est plus un clin d'œil, c'est que le Fisheye déforme énormément et donc est une optique assez peu chère par rapport aux autres optiques. Ce sont des optiques qui étaient utilisées surtout par les plus jeunes, qui rentraient sur ce marché-là beaucoup dans les sports urbains, et c'était une manière aussi de marquer le média comme appartenant à une génération de créateurs un peu plus jeunes.

"Je pense que la question du point de vue et de la légitimité se pose dans les médias."

Margaux Vulliet : Tu le disais, tu étais directeur de la rédaction d’Images ; en quoi ce poste-là t'as aidé pour la création et pour le lancement de Fisheye ?

Benoît Baume : Quand tu es directeur de la rédaction, tu t'intéresses aux questions de fabrication, tes imprimeurs, les contraintes, comment ça marche, les fichiers… Tu sais comment fonctionne une rédaction, tu sais de qui tu as besoin. Je connaissais tous les acteurs de ce marché, donc c'était assez facile d'aller les voir et de leur présenter ce projet-là. Et surtout, j'avais une connaissance éditoriale de la photo qui était forte, ce qui m'a permis d'être légitime au moment où j'ai créé le titre. Je pense que la question du point de vue et de la légitimité se pose dans les médias. Dans cet univers-là, j'étais considéré par les acteurs de ce marché comme étant un acteur légitime. Peut-être que ça disparaît au cours du temps, mais en tout cas sur le début de la création d'un média la question la légitimité du point de vue est une question importante.

Margaux Vulliet : C'est intéressant cette question de la légitimité. Pour toi, à quel stade on peut dire « je suis légitime » ? C'est parce qu'on a une expérience dans ce domaine-là, parce qu'on est les fins connaisseurs de ce sujet-là ? Comment tu définis un peu cette notion ?

Benoît Baume : Je pense que la légitimité s'acquiert de plein de manières différentes. Ce n'est plus trop la mode, mais à l'époque il y avait des gens qui avaient des blogs qui étaient très pertinents, qui étaient légitimes de par cette pratique, qui pouvait être une pratique non professionnelle mais qui leur offrait cette légitimité. Il y a des gens qui construisaient cette légitimité par une présence sur le terrain, un certain nombre d'évènements, une participation active très remarquée, des participations à des associations ; être adhérents et membres actifs d'un certain nombre de projets qui organisaient des expositions par exemple. Il y avait un certain nombre de choses qui pouvaient t'apporter cette légitimité. Et ce qui est important, je dirais, pour être légitime, c'est d'être en lien avec son écosystème, de raisonner avec lui, d'y apporter des contributions originales. Donc ça peut aller assez vite. Ça peut être l'histoire de deux, trois ans peut-être, mais on n'a pas besoin d'avoir 20 ans d'expérience pour être légitime. Il faut savoir mener des actions ou avoir des propositions originales qui, je dirais, sortent un petit peu des sentiers battus et apportent un point de vue qui est intelligent, intelligible. Et ça, ça va évidemment offrir de la légitimité.

"Et c'est clairement l'audience qui, passé ce temps de la création, va apporter la légitimité au média."

Margaux Vulliet : Avoir un nom aussi, qui commence à être reconnaissable dans l'écosystème du média pour lequel on travaille ?

Benoît Baume : Oui, mais pas que. Alors évidemment que la légitimité de la personne et du nom sont liées. Plus que le nom, plus que la personne, je dirais que c'est aussi le mouvement qui est là, il y a aussi la notion d'équipe qui créé le média. Alors moi, au moment où je crée Fisheye, je n'ai pas beaucoup de moyens donc je peux pas me payer de stars de la photographie. Mais je crée une équipe qui résonne avec ça et qui arrive à créer une vraie démarche autour de ça. Mais assez vite, au bout d'un an d'ailleurs, la rédactrice en chef a décidé de partir pour aller vivre à l'étranger. À ce moment-là, je me suis dit « on a construit quelque chose, il faut essayer de le renforcer » et je demande donc — ça fait huit ans maintenant — au rédacteur en chef actuel, Éric Karsenti, de venir. Et Éric est quelqu'un qui a un nom, qui est légitime dans la photographie et il contribue clairement à nous faire passer une étape de par son profil, de par sa légitimité, de par le fait qu'il ait beaucoup d'amitiés dans ce réseau-là. Et voilà, ça, c'est aussi quelque chose qui est important, c'est la notion d'équipe, de communauté qu'on arrive à rassembler. Et clairement, le média aussi, parce que c'est le but d'un média : de quelle manière le média va agréger une audience ? Et c'est clairement l'audience qui, passé ce temps de la création, va apporter la légitimité au média. Il y a sa ligne éditoriale, ce qu'il raconte, la manière dont c'est fait et surtout l'audience. L'audience va avoir évidemment des conséquences sur la manière dont on sera perçu, à la fois par les gens qui peuvent vous apporter des informations comme des attachés de presse, comme des acteurs du secteur. Et puis les lecteurs et les annonceurs. Donc la question de l'agrégation de l'audience est fondamentale, évidemment.

Margaux Vulliet : Alors justement, au tout début, comment as-tu rassemblé les premiers membres de la communauté Fisheye ?

Benoît Baume : Au début, tu ne sais pas trop, tu fais appel à ton propre réseau. Je me souviens le jour où l'on a créé la page Facebook de Fisheye, je mettais à jour le nombre d'abonnés toutes les dix minutes, et en une journée on a passé les 1 000 abonnés grâce à notre réseau. Mais il y a quelque chose qui s'était passé. On a aussi eu, je dirais, un peu de visibilité. On avait fait un peu de RP. On avait envoyé le premier numéro du journal à la rédaction de France 2, on était passé au 20 h à la fin. Ça nous avait donné pas mal de visibilité. Et puis aussi le premier numéro, on en avait imprimé plus et on avait mis 20 000 ou 30 000 exemplaires dans des magasins photos partout à travers la France. On l'avait mis à disposition gratuitement dans ces magasins-là, ce qui nous avait permis de toucher une communauté de photographes qui venaient acheter du matériel dans ces magasins, de se faire connaître assez rapidement parce qu'ils n'avaient pas l'habitude qu'on leur offre un magazine.

Margaux Vulliet : Oui, c’est vrai que gratuitement, même pour vous, c'est un pari puisque vous avez investi pour ce premier numéro, vous avez besoin d'un retour sur investissement.

Benoît Baume : Oui, mais alors après il était vendu en kiosque quand même. Il y a plein de gens qui ne vont pas dans les magasins photos qui nous ont acheté, et puis on avait fait un plan de promo. Il faut toujours penser la promotion de son média.

"On avait fait un plan média dans les points de vente notamment dans tous les kiosques à Paris."

Margaux Vulliet : Comment vous l'avez pensé cette promotion ?

Benoît Baume : Avec des moyens très limités ! Mais par exemple le fait de faire tirer 20 ou 30 000 exemplaires de plus a un coût, mais qui est assez marginal parce que les exemplaires supplémentaires — à l'époque le prix du papier n'avait pas explosé — était beaucoup moins importants que les premiers exemplaires. On avait fait un plan média dans les points de vente, notamment tous les kiosques à Paris. Et puis on avait fait aussi un peu de com digitale, c'était un peu nouveau à l'époque et finalement les choses avaient plutôt bien marché puisqu'on avait très bien vendu le premier numéro.

Margaux Vulliet : Est-ce que tu te souviens de la préparation de ce premier numéro ? J'imagine que c'est quelque chose qui marque.

Benoît Baume : Oui, alors le premier numéro on n'était pas prêts, on n'est jamais prêts, je dirais, à lâcher les choses. Donc il y a beaucoup d'imperfections ; quand je le relis aujourd'hui, c'est un magazine qui ne me contente pas. On avait fait des choix un peu audacieux notamment, on a voulu marquer notre ligne éditoriale. On avait essayé de réunir dix photographe français qui, pour nous, était la nouvelle génération. Le fait d'aller tous les voir, les réunir, de créer une photo avec tous sur la photo. On a forcément fait des nocturnes pour boucler ce numéro, et je crois qu'on avait une deadline, il fallait envoyer à 7 h du matin, et je crois qu'on a terminé à 5 h du matin de faire le magazine. Heureusement, c'est plus le cas aujourd'hui. Aujourd'hui à 19 h, 20h un soir de bouclage, tout est terminé.

"Il faut essayer de trouver le réseau social émergent et investir dessus massivement en termes de temps et d'énergie."

Margaux Vulliet : Tu me parlais tout à l'heure de la com digitale. Les deux premières années, vous n’aviez pas pris conscience de l'importance des réseaux sociaux. Comment vous y avez remédié par la suite ?

Benoît Baume : On était sur Facebook. À l'époque, il y a neuf ans, c'était le truc un peu incontournable. Il y avait la montée en puissance d'Instagram, mais on avait du mal encore à voir de quelle manière on pouvait l’utiliser et assez vite c'était évident qu'il fallait qu'on re-publie les photos des gens qu'on publiait et qu'on mette ça en avant. On l’a compris au bout d'un moment et ça a commencé à très bien marcher. Et mine de rien, on a agrégé une communauté importante parce qu'aujourd'hui on a 141 000 abonnés, et surtout on a un hashtag qui a été utilisé 1,5 millions de fois, #Fisheyelemag. Les auteurs l'utilisent pour qu'on les repère et qu'on les publie.

Si j'ai un conseil à donner à quelqu'un qui crée un média, c'est de se dire : il ne faut pas aller sur les réseaux sociaux dominants du moment. Il faut essayer de trouver le réseau social émergent et investir dessus massivement en termes de temps et d'énergie, peut-être pas en termes de sponsorisation tout de suite. C'est beaucoup plus facile d'agréger une communauté sur un réseau social qui se crée. Typiquement, on voit qu'aujourd'hui qu'il y a un algorithme sur TikTok qui est beaucoup plus permissif que ne l'est celui d'Instagram. Aujourd'hui, créer une communauté sur Instagram c'est compliqué, parce que de manière naturelle et organique tu vas avoir accès à une audience faible. Et ils vont tout faire pour que tu payes pour augmenter ta part de voix. Sur TikTok, c'est pas le cas encore. Ce sera le cas à un moment, et donc il faut essayer de repérer à chaque fois le réseau ou l'endroit où les choses sont en train de naître. En faisant le pari que c'est un réseau qui va grandir. Il y a beaucoup de médias qui ont investi dans Snapchat ; je ne suis pas sûr que Snapchat soit encore là dans quatre ou cinq ans. Il y a une forme de pari, mais je dirais que pour un jeune média, essayer de comprendre le nouveau réseau qui va sortir et d'investir dessus lui permettra d'agréger une communauté beaucoup plus facilement et rapidement à moindre coût et le fera apparaître aux yeux du marché comme un acteur innovant, donc. En tout cas, je pense que c'est tout bénéfique pour un jeune média de partir sur une stratégie comme ça.

"On passe beaucoup de temps à faire de la curation de manière proactive pour aller chercher ces nouveaux regards."

Margaux Vulliet : Pour préciser un peu ce #Fisheyelemag, ça permet aussi pour vous de repérer certains photographes, certains nouveaux photographes que vous n’auriez pas vu passer ailleurs ? 

Benoît Baume : Exactement, c'est-à-dire que le fait d'avoir tous les jours 2 à 3 000 contributions sur ce hashtag nous permet de voir beaucoup d'images. Globalement, la somme est de qualité et donc on voit passer des choses de manière très internationale. Aujourd'hui, on publie aussi bien des gens en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique, au fin fond de l'Ouzbékistan que l'on n'aurait pas repérés autrement. Parce qu'ils n'ont pas été publiés par d'autres médias, parce qu'on a l'habitude d'aller voir les médias spécialisés en photo aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, ou en Chine. Mais finalement c'est déjà des gens qui sont repérés par un média et publiés. Ce n'est pas toujours le cas, et c'est une manière très directe et très frontale d'aller à leur rencontre. Et puis nous-mêmes, on passe beaucoup de temps à faire de la curation de manière proactive pour aller chercher ces nouveaux regards.

Margaux Vulliet : Qu'est-ce qu'il y a de spécifique dans la manière dont on travaille avec des photographes ?

Benoît Baume : Aujourd'hui le photographe a dû réinventer son modèle économique de manière profonde. Il y a des photographes qui maîtrisent les codes des réseaux sociaux et qui les ont compris, qui peuvent vraiment avoir une influence assez forte et assez rapide. Parfois il y a une dichotomie entre l'influence du photographe parce qu'il a su construire une communauté à lui tout seul. Il faut arriver à trouver les bons auteurs, c'est pas parce que tu as une grosse communauté que tu es forcément un très bon photographe, et c'est pas parce que tu as une toute petite communauté que tu es un mauvais photographe. De quelle manière est-ce que tu arrives à trouver un équilibre intéressant qui va marquer les esprits qui aura encore de la pertinence dans deux, trois, quatre ans ? C'est ça qu'on doit arriver à déterminer.

"Je ne crois pas au modèle payant sur le Web pour des petits médias."

Margaux Vulliet : Le magazine est votre élément central de la marque Fisheye. Il y a aussi l'agence Fisheye Galerie, le contenu pour les marques. Comment est-ce que vous articulez un peu toutes ces activités pour équilibrer les finances ? Parce que clairement ce n'est pas le magazine qui fait vos plus grosses rentrées d'argent.

Benoît Baume : Alors, le magazine est bénéficiaire en soi, ce qui est déjà très bien. Mais effectivement, le magazine aujourd'hui représente à peu près 15 % de notre chiffre d'affaires. Ce qu'il faut prendre en considération, c'est que pour réunir une équipe de qualité, pour faire un magazine, pour avoir les gens qui vont nous permettre de faire le magazine et les payer au prix, il faut d'autres activités. On a une vision chez Fisheye : pour avoir notre indépendance sur le média, nous faisons d'autres choses qui peuvent être de la communication, mais qui font qu’on n'est pas dépendants d'un annonceur, on n'est pas dépendants d'une source de revenus et donc on peut garder totalement notre liberté d'expression. Et d'ailleurs, c'est quelque chose qu'on nous reconnaît, c'est qu'on est très libres dans notre expression par rapport au milieu de la photographie. Parfois trop libres, on peut nous le reprocher, et ça nous offre cette capacité à être libre dans notre média. Donc, qu'est ce qu'on fait à côté ? On a plusieurs activités. On a développé des activités que je qualifierais aussi d'éditoriales puisqu'on a développé deux galeries — une à Paris, une à Arles — avec des auteurs qu'on a d'abord repérés ou publiés dans le magazine avant de développer une démarche en galerie. On a aussi développé la partie édition puisque rien que cette année on va publier cinq ou six livres avec des réseaux de distribution propres qu'on a créés. Une marketplace, des livres photos sur notre site Internet, et un certain nombre d'accords de diffusion. Par exemple, on va sortir un livre en septembre avec l'AFP sur les archives de l'AFP, et ce livre, on a passé un accord de distribution exclusive avec la Fnac par exemple pour le diffuser et avoir de la visibilité. Donc une activité édition qui est en train de se structurer de plus en plus à un moment où le papier n'a jamais été aussi cher ; mais finalement, l'édition ne s'est jamais aussi bien portée. Après, on a historiquement des activités de création de contenu, ça c'est légitime. Quand tu as des journalistes qui sont compétents dans leur domaine, quand tu as des gens qui savent mettre en page ou mettre en forme cette information, pourquoi est-ce que finalement on laisserait les bénéfices et les plus-values financières de ces activités là à des agences de com qui derrière vont sous-traiter pour une misère à des gens comme nous qui faisons la même chose ? Donc autant aller à la source et proposer directement nos services. C'est ce qu'on a fait, notamment en créant tous les magazines de la Fnac pendant des années. Et d'ailleurs on continue, c'est une histoire de fidélité avec la Fnac puisque nous avons créé L'éclaireur, Fnac qui est le média de la Fnac. J'ai pas peur de dire média parce que pour le coup on a vraiment recruté une équipe de journalistes qui s'en occupe. On a sept, huit personnes à temps plein sur ce média qui parle de culture, de sociétés, de tech. La rédactrice en chef est Florence Legrand, qui est l'ancienne rédactrice en chef des Numériques, un site très reconnu. Donc ça c'est une de nos activités de création de contenu. On fait aussi beaucoup de production photo, c'est-à-dire qu'on produit de la photo pour des gens qui nous demandent de le faire. Donc c'est pareil, on repère les photographes que l'on publie dans le magazine, là on les repère pour les faire travailler, ce n'est pas très différent au final. Et aujourd'hui, on a pu travailler pour l'Opéra de Paris, pour faire toutes les affiches de spectacle de la saison 2021-22. On travaille beaucoup pour Paris 2024, les Jeux olympiques, mais également avec LVMH, avec Koering avec beaucoup de maisons qui nous permettent aujourd'hui de proposer des photographes partout à travers le monde, et du coup d'avoir une activité de production qui grandit de plus en plus. Et surtout qui vient peu répondre à une de nos attentes du début qui était : quand on a voulu réinventer la presse photo, c'était de quelle manière on venait aussi contribuer financièrement à l'écosystème face à des photographes qui voyaient leur modèle économique extrêmement perturbé ? Le fait de pouvoir donner du travail aux photographes c'est aussi quelque chose qui est important pour nous, et d'ailleurs dans Fisheye, dans le magazine papier — et je précise dans le magasin de papier—, on paye tous les photographes. Sur le Web, aujourd'hui, on ne le fait pas parce qu'il y a un modèle économique qui est beaucoup plus compliqué, mais on aimerait à terme pouvoir payer les contributions sur le Web. Ce qui n'est pas forcément idéal de notre part.

Margaux Vulliet : Pourquoi sur le Web le modèle économique est plus compliqué ?

Benoît Baume : Le modèle économique est beaucoup plus compliqué sur un modèle pur Web, surtout qu'on n'est pas très agressifs en publicité puisqu'on a envie de garder un site assez propre. On n’utilise pas les datas, on n'ouvre pas la publicité à Google sur notre site, on reste en vase clos donc les gens quand ils viennent chez nous ils sont pas surexposés à la publicité. Je ne crois pas au modèle payant sur le Web pour des petits médias. Je pense que ça marche pour des gros médias, ça marche très bien pour le New York Times ou pour Le Monde. On n'a pas un volume de contenus qui est suffisant pour rentrer dans ce modèle économique-là. Le site photo de référence qui s'appelait Focus Numérique a essayé le pay wall, et au bout d'un an ils ont mis la clé sous la porte. Je pense que pour un média très spécialisé, il faut vraiment proposer des services très particuliers pour passer à un modèle payant. On a d'ailleurs un deuxième média chez Fisheye qui s'appelle Lense, qui est un média qu'on a racheté au tout début — peut-être au bout de notre deuxième année —, qui est un média avec une belle communauté, plutôt technique, autour de la photo. Et d'ailleurs on ne l'a toujours pas rendu payant, et c'est un média qui reste ouvert, et ça nous permet d'agréger une audience et on cherche plutôt à valoriser cette audience que de rendre payant l'usage de la plateforme.

"Je n'ai pas l'impression qu'on ait changé notre esprit initial."

Margaux Vulliet : Et selon toi, est-ce que vous avez respecté les engagements que Fisheye s'était fixés au tout début, sur les valeurs, sur la ligne éditoriale ? Parce que ça a beaucoup évolué puisqu'il s'est beaucoup diversifié. Est-ce que la ligne de conduite est toujours aussi bien respectée que les engagements que vous aviez pris au début ?

Benoît Baume : Elles ont évolué, mais elles n’ont pas évolué forcément dans un sens qui est négatif, c'est-à-dire dans le fait de consolider notre assise financière. Aujourd'hui, on réalise à peu près 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, ça nous permet d'être vraiment libres dans notre média. Encore une fois, je le disais tout à l'heure, quand le prix du papier a été multiplié par 3 par 4 en un an et demi, on n'a pas dit « on va changer de papier, on va prendre un papier moins bien, on va tirer moins, on va faire moins de pages dans le magazine » parce que beaucoup de médias l’ont fait. Nous, on est restés sur notre pagination, sur la qualité de notre papier parce qu’on était capables d'absorber ça parce qu'on fait d'autres choses à côté. D’un point de vue éditorial, on a fait évoluer une nouvelle maquette qui est arrivée il y a un an dont on a parlé tout à l'heure, et moi j'ai plutôt l'impression que le magazine gagne en qualité au fil des années. Et pour le coup je n'ai pas l'impression qu'on ait changé notre esprit initial. D'ailleurs, on peut nous reprocher des choses mais pas forcément notre qualité éditoriale.

Margaux Vulliet : Qu'est-ce qu'on peut vous reprocher par exemple ?

Benoît Baume : On peut nous reprocher par exemple de traiter certains types de photographies justement. Il y a des typologies de photographies qu’on traite assez peu. Par exemple, une photographie animalière ou naturiste, une photographie de reportages, une photographie très esthétique, c'est pas des choses qu'on a l'habitude de mettre en avant. Il a d'autres médias pour ça. Nous, on est sur notre ligne de photographe auteur. Ce qui, du coup, a forcément une définition. De la même manière, on écrit tous tous les jours des mails ou des SMS, on n'est pas tous auteurs écrivains — c'est un peu la même chose en photographie. On fait tous des photos et tous les jours, mais on n'est pas tous auteurs, photographes.

Margaux Vulliet : Justement, tu ne te définis pas comme photographe, tu as cet oeil plus éditorial sur la photo, ça revient à la question de la légitimité qu'on abordait au début. Comment tu appréhendes le fait de travailler sur le sujet de la photo sans toi-même être photographe ; est-ce que tu le prends comme un avantage ou un inconvénient ?

Benoît Baume : Alors moi je pense qu'on peut pas être juge et partie, tu peux pas faire de la photographie et te revendiquer comme un photographe et passer tes journées à regarder des portfolios et dire « c'est bien, c'est pas bien ». À un moment, on est d'un côté, on est de l'autre. Il y a le champ de la critique et le champ des utilisateurs. Et évidemment que je fais de la photographie, que j’aime ça mais je ne me considère pas du tout comme photographe. Je me sens à l'aise à l'écrit, autant quand je fais des photos, je ne trouve jamais que mes photos sont extraordinaires et je ne crois pas qu'elles aient un intérêt au-delà de ce cercle-là et c'est vraiment pas en tout cas quelque chose qui m'anime. Donc on peut tout à fait être légitime par sa connaissance du milieu, par le fait d'avoir vu beaucoup d'expositions, d'avoir un œil critique qui est capable de mettre les choses en perspective, de connaître les acteurs, de connaître les photographes, de les aimer profondément sans en être un. Et voilà, je crois pas que ça soit un souci. Je pense que dans la photographie, on peut parler de la photographie sans avoir été photographe.

"Il faut savoir être dans son rôle et le nôtre est celui d'agrégateur, de producteur, de mise en perspective plutôt que des réalisations directes.

Margaux Vulliet : J'ai une dernière question sur la diversification notamment. Comment trouve-t-on la bonne diversification, comment tu t'es dit « on va lancer une galerie, ça va fonctionner, on va bosser avec des marques, ça va fonctionner » ? Est-ce que même tu as tenté des diversifications qui n'ont pas fonctionné ?

Benoît Baume : Bien sûr, on a tenté des choses qui n’ont pas marché comme on le pensait. Par exemple dans l’immersif. Très tôt, dès 2014, 2015 donc vraiment tout au début du média, est apparue la vidéo à 360°. Et tout de suite, c'est quelque chose qui m'a vraiment tapé dans l'œil. Et en 2015, 2014 apparaît le premier Oculus. Et je me dis, ça, c'est un truc qui va exploser. 

Margaux Vulliet : Le casque de réalité virtuelle qui a été racheté par Facebook.

Benoît Baume : Exactement. Je me dis on va commencer à faire des choses autour de ça, donc on constitue une équipe pour produire de la vidéo à 360. On fait d'ailleurs pas mal de films et de réalisations, on crée aussi un festival à Arles avec Les Rencontres qui a très bien marché. Mais le monde de la vidéo 360, en fait, évolue très vite puisqu'on passe de la vidéo 360 avec un point de vue fixe au temps réel, ce qu'on appelle la 3D en temps réel avec l'émergence d'acteurs qui sont majeurs aujourd'hui. Ça change beaucoup de choses et on ne l'avait pas forcément nous anticipé, et donc notre partie de production de 360, Inside in House, à un moment, bat de l’aile. Donc on est obligés de revoir un peu les choses. Et clairement, ça me fait prendre conscience que ça serait mieux de travailler avec des artistes, avec des auteurs et plutôt à nous de penser les projets, de les mettre en place et d'être plus un producteur que forcément le réalisateur. Depuis, on a développé beaucoup de projets immersifs. Mais finalement, en agrégeant des forces vives, c'est un modèle beaucoup plus serein pour nous. Et parfois, il faut savoir justement être à son rôle et notre rôle c’est plutôt un rôle d'agrégateurs, producteurs de mise en perspective que de réalisation directes.

Margaux Vulliet : Merci beaucoup Benoît d'avoir pris le temps de répondre à mes questions. Merci à vous, chers auditeurs et chères auditrices, vous pouvez retrouver les autres épisodes de Chemins sur toutes les plateformes d'écoute et surtout, prenez soin de vous et de vos médias.

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