Podcast — Siham Jibril, Génération XX : penser la fin de son média (5/6)

Siham Jibril est la fondatrice de Génération XX, un podcast aux 100 épisodes diffusés entre 2017 et 2021, dans lequel elle interroge des femmes entrepreneuses. Elle est l'invitée du cinquième épisode de la première saison de Chemins, le podcast de Médianes.

Margaux Vulliet
Margaux Vulliet

Siham Jibril est la fondatrice de Génération XX, un podcast aux 100 épisodes diffusés entre 2017 et 2021, dans lequel elle interroge des femmes entrepreneuses. Après un épisode final où elle explique son choix d’arrêter, la communauté Génération XX continue de vivre sous d’autres formes. Comment pense-t-on la fin de son média et comment l’appréhende-t-on ?

Transcription intégrale

Margaux Vulliet : Bonjour à tous, bonjour à toutes. Bienvenue dans le podcast de Médianes qui va à la rencontre des fondateurs et fondatrices de médias pour qu'ils et elles vous partagent leur retour d'expérience. Je suis Margot Vulliet, journaliste chez Médianes, et vous écoutez Chemins. Lancer un média, le développer puis s'arrêter avec en plus, une fin choisie, c'est ce qu'a fait Siham Jibril avec Génération XX, un podcast aux 100 épisodes diffusés entre 2017 et 2021, dans lequel Siham interroge des femmes inspirantes. Elle revient avec elles sur leur parcours de vie et sur leur aventure entrepreneuriale. Le 28 février 2021, elle a posté le dernier et 100e épisode, dans lequel elle explique la fin heureuse du podcast Génération XX. Ce n'est d'ailleurs pas qu'un podcast puisqu'il y a aussi une revue papier intitulée À l'écoute et un important espace communautaire. Alors, comment pense-t-on la fin de son média ? Comment l'appréhende-t-on et comment continuer à faire vivre sa communauté ? On en parle avec Siham Jibril. Siham, bonjour.

Siham Jibril : Bonjour Margaux.

Margaux Vulliet : Tu es donc la fondatrice du podcast Génération XX. Là, c'est un peu différent pour toi parce que tu as l'habitude de poser les questions, et c'est moi qui vais te les poser.

Siham Jibril : Je suis ravie de répondre à tes questions, merci beaucoup pour l'invitation.

Margaux Vulliet : Qu'est-ce que ça fait de répondre à des questions, de passer de l'autre côté du micro ?

Siham Jibril : Ouais, c'est marrant. C'est vrai que j'ai plus l'habitude de moi poser des questions, d'écouter les réponses, mais c'est agréable, je suis contente de partager aussi mon expérience. Alors j'ai tendance à beaucoup parler donc il va falloir que tu me que tu me guides un peu pour que je ne m'étale pas sur chaque réponse.

Margaux Vulliet : Tu me disais juste avant que tu as l'impression que Génération XX c'est loin.

Siham Jibril : Ouais c'est vrai.

Margaux Vulliet : Quelle est ta relation avec Génération XX deux ans après son arrêt ?

Siham Jibril : Alors ça fait un an et quelques mois parce que du coup, j'ai clôturé le podcast le 28 février 2021. On est le 8 juin 2022. Ma relation avec Génération XX, ça me paraît loin parce qu'entre temps il s'est passé plein de choses comme je te disais à l'instant, je travaille sur un nouveau projet, je travaille aussi un peu en free-lance pour des boîtes que j'aime bien. Enfin, il s'est passé pas mal de choses. Je suis passée aussi par une grosse période de réflexion parce qu'en fait, monter sa boîte et faire Génération XX pendant quatre ans c'était quand même assez prenant et fatiguant aussi. Enfin, au bout de quatre ans, quand on clôture enfin, quand j'ai clôturé le podcast, je me suis dit “ah oui, quand même.” En fait, j'étais quand même à un rythme assez poussé, donc j'ai eu aussi une période où voilà, il a fallu un peu ralentir le rythme, se poser les bonnes questions sur ce dont j'avais envie pour la suite, etc. Et puis en plus, j'ai clôturé le podcast à un moment, quand j'avais 29 ans et l'année de mes 30 ans, j'allais avoir 30 ans. Quelques mois après donc maintenant j'ai 30 ans et, je sais pas, il y avait une symbolique. À ce moment-là donc, pour répondre à ta question, qu'est-ce que ça représente Génération XX ? J'ai l'impression que ça représente mon projet de la vingtaine, enfin de 25 à 30 ans donc, et parfois j'ai un peu du mal... en fait, il y a eu tellement de trucs en quatre ans que parfois je repense à des trucs. Je me dis “Ah oui, j'ai fait ça aussi. Ah c'est trop cool.” Donc d'un côté, je fais plein de nouvelles choses et quand je me repenche sur Génération XX je me dis “c'était c'était cool d'avoir fait tout ça, c'était assez dingue” et donc voilà.

Margaux Vulliet : Tu t'attendais pas à ce qu'il se passe autant de choses ?

Siham Jibril : Bah non non. Pas du tout parce qu'en fait, quand j'ai lancé Génération XX, c'était pas un peu par hasard, j'ai eu l'idée en 2016. Il n'y avait pas encore de podcast indépendant en France. Enfin, c'était encore balbutiant. J'avais rencontré à l'époque Joël Renez qui a lancé Binge audio, Lauren Bastide et Julien Neuville qui allaient lancer Nouvelles Écoutes. Donc donc c'était encore le tout début. Et on ne savait pas vraiment. En fait, on avait toutes et tous écouté pas mal de podcasts américains. On voyait qu'aux États-Unis ça commençait à exploser et que c'était assez dingue. On se disait que ça allait arriver en France. En tout cas, on avait envie que ça arrive en France mais on ne savait pas encore ce que ça allait donner.

Margaux Vulliet : Tu décris même Génération XX comme pionnier, presque.

Siham Jibril : Bah en tout cas ça a fait partie des pionniers en France du podcast indépendant parce qu'après, évidemment, les podcasts existaient déjà, mais c'était du replay de toutes les émissions de radio. Donc le mot podcast existait déjà. Mais ce côté indépendant, où c'était des gens qui étaient pas à la radio, qui faisaient du podcast… et moi en plus, j'étais pas journaliste, donc c'était aussi nouveau que des gens qui sont pas journalistes se lancent sur ce format. Donc oui, c'était parmi les pionniers et donc je l'ai lancé un peu par hasard, parce que j'avais l'envie, parce que je trouvais qu'il y avait un besoin. Et c'est en me disant bon, si ça prend, c'est cool, mais je sais pas du tout ce que ça va donner.Donc en fait, je me suis vraiment laissée prendre dans le truc et ça, ce début de podcast, ce début de lancement de médias un peu par hasard, voilà, c'est aussi lié au fait que quatre ans plus tard, j'ai décidé de clôturer le podcast. Et que c'était comme je le décris vraiment, comme une fin heureuse, et c'est pas du tout pour cacher un truc ou quoi. C'est vrai, j'ai vraiment choisi, j'ai choisi de clôturer le podcast, j'ai pris la décision en juillet 2020 et j'ai clôturé le 28 février 2021, j'ai pris mon temps. C'était pas du tout un truc abrupte, j'en ai parlé à mes auditrices et auditeurs, à la communauté Génération XX en amont, on a clôturé ensemble... C'est pour ça que j'utilise ce terme de fin heureuse parce que souvent on a l'impression que quand quelque chose s'arrête, c'est triste, c'est subi. Ça veut dire que ça marchait pas alors que pas du tout. Et d'ailleurs il y a plein de gens qui m'ont dit “Mais pourquoi t'arrêtes ? C'est trop bizarre, j'ai l'impression que ça marche bien”. Je dis oui, mais en fait c'est juste que ça correspondait à une phase de ma vie, à une idée que j'ai lancée un peu comme ça, par hasard. J'avais pas derrière une ambition d'en faire autre chose. Enfin j'y ai réfléchi, bien sûr, à un moment donné, mais je l'ai lancé en me disant “bah on verra ce que ça donne” et à un moment donné, je me suis dit “je suis contente de ce que ça a donné, je pense pas que j'ai vocation à développer au-delà de ça”, enfin, sachant que c'était quand même déjà beaucoup, parce qu'il y avait cent épisodes et, comme tu l'as dit, une revue, ce qu'on a appelé un hors-série papier parce que j'ai travaillé avec Baptiste et Marine de Médianes. On l’a défini comme ça parce que j'avais pas vocation à lancer une revue avec plusieurs numéros, j'avais envie de lancer un seul numéro que j'ai lancé au moment où j'ai annoncé que je clôturais le podcast, donc c'était aussi parce que j'ai envie de tester un autre format. J'ai lancé aussi une série de trois vidéos qui sont comme des mini-docus, parce que j'ai filmé trois entrepreneurs pendant un an. Et donc j'en ai fait trois vidéos qui ont été sponsorisées par l'école d'écriture Les Mots. Donc ça, c'était très chouette aussi. Comme tu as dit, il y avait un espace communautaire, il y a toujours d'ailleurs un espace communautaire sur lequel il y a des auditeurs et auditrices de Génération XX qui font partie d'un réseau global d'auditeurs et auditrices. Donc voilà, pour moi, j'avais donné à Génération XX la forme qui me plaisait. Je pense que si j'avais lancé le podcast en me disant “OK, je veux en faire ci, ça et ça”, ça se trouve, je serais encore en train de le faire parce que ça correspondait à une réelle envie, à une vision particulière. La différence, par rapport peut-être à d'autres fondateurs et fondatrices de médias, c'est que moi, c'était totalement par hasard.

"C'est pour ça que j'utilise ce terme de fin heureuse parce que souvent on a l'impression que quand quelque chose s'arrête, c'est triste, c'est subi. Ça veut dire que ça marchait pas alors que pas du tout."

Margaux Vulliet : Ce que tu disais, c'est que t'étais pas journaliste, mais t'avais l'envie. Est-ce que tu considères qu'il faut quand même une fibre particulière, laquelle ? Ou tout le monde peut faire du podcast ?

Siham Jibril : Je pense que pour lancer un podcast, une revue, un média vidéo peut importe le format du média et d'ailleurs, c'est pas parce qu'on lance un podcast qu'on peut pas lancer d'autres formats. Bref, je pense que ce qui est important, c'est l'envie et la curiosité, parce que c'est le moteur, parce que c'est ça qui va faire que quand c'est difficile, on va continuer. C'est ça aussi l'envie qui fait qu'on va réfléchir et on va se pousser à trouver quelque chose de nouveau qui a pas été déjà fait. Et la curiosité parce qu'en fait, le monde des médias, mais comme comme plein d'autres industries, ça évolue hyper vite, donc il faut toujours être à l'affût des nouveautés de ce qui se fait, de ce qui est intéressant. Il faut être curieux, curieuse. Tu vois, moi pour trouver les invités, je lisais plein d'articles, j'allais à plein d'évènements, je rencontrais plein de gens. Enfin, en fait, il faut un peu se… j'allais dire, se forcer, mais pour moi c'était pas se forcer parce que c'est du plaisir, mais voilà, c'est être tout le temps vraiment à l'affût, les yeux grands ouverts, les oreilles grandes ouvertes et vraiment aller tout le temps chercher des choses, se renseigner. Et puis même moi, le conseil que je donnais souvent, c'est ne pas uniquement regarder ce que font les autres médias. En fait, il faut être curieux de tout. C'est-à-dire que moi, par exemple, sur Instagram, je suivais autant des comptes de restaurants que de marques de mode, plein de choses qui te nourrissent, et ça c'est pas forcément des médias en fait. Donc je pense que l'envie et la curiosité, c'est fondamental. Après, être journaliste ou pas, tout dépend du projet. C'est-à-dire que par exemple, moi le fait d'être journaliste, ça veut dire que j'allais pas prétendre avoir une approche journalistique ou mener une enquête. Journaliste c'est un métier, je ne prétendais pas faire ce métier. En revanche, j'avais pas besoin d'être journaliste pour faire ce dont j'avais envie de faire, c'est-à-dire donner la parole à des personnes qui allaient raconter leur parcours, etc. Et puis après, j'ai aussi beaucoup appris, c'est-à dire que faire une interview c'est pas juste poser un micro et poser la question, c'est pas juste une conversation comme on aurait dans un café, c'est ce que je pensais au début et d'ailleurs mes premiers épisodes je les avais enregistrés dans un café, et quelle énorme erreur ! Parce qu'évidemment, il y a beaucoup trop de bruit qui ne s'enlève pas au montage. Donc après j'ai aussi appris, et peut-être que sur le terrain, j'ai appris des choses qu'on peut peut-être apprendre de la même façon quand on est journaliste et qu'on va sur le terrain et qu'on se perfectionne, mais voilà, je pense qu'en tout cas pour ce que moi j'avais envie de faire, j'avais pas besoin d'être journaliste. Bien sûr, si j'avais voulu monter un magazine comme Le Monde, bon peut être qu'il aurait quand même fallu que je sois journaliste, ou du moins, peut-être pas d'ailleurs parce qu'à nouveau, peut-être que moi le rôle que j'aurais eu… enfin peut-être pas pour Le Monde, mais bref, pour ma revue par exemple, À l'écoute, le rôle que j'ai eu, c'était d'être rédactrice en chef et ensuite, j'ai pris des journalistes. Enfin, il y avait deux formats : il y avait des invités qui ont écrit des essais et ensuite il y avait des journalistes qui ont écrit des articles. Et là pour écrire des articles, bah j'ai pris des vrais journalistes parce que moi je suis pas journaliste, j'avais pas forcément envie d'écrire, mais j'aimais bien ce rôle de cheffe d'orchestre, de rédactrice en chef. Tu vois, je commence déjà à m'éparpiller et à faire des réponses très longues.

Margaux Vulliet : Non, mais justement c'est intéressant et moi je rebondis après, mais peut-être juste préciser pour celles et ceux qui connaissent pas le thème notamment de ce hors-série, je te laisse en parler ?

Siham Jibril : Oui, donc l'idée de ce hors-série est que j'avais vraiment envie de faire un format papier parce que le podcast c'est génial, mais c'est quelque chose de virtuel et je voulais que les gens puissent avoir un objet chez eux. Et d'ailleurs j'avais fait une collaboration avec la marque de mode Patine et on avait fait deux éditions d'un T-shirt. C'était très cool, mais j'avais aussi envie d'avoir un média papier. Je me disais pas que j'allais lancer une revue avec plusieurs numéros. Mais voilà, j'aimais bien cette idée d'un hors-série papier. Il y a des gens qui font des hors-séries dans le podcast, et moi, c'était comme un hors-série du podcast, mais version papier et en fait, à un moment donné, en 2019 si je me trompe pas, j'ai travaillé avec une agence qui s'appelle Tu seras beau, avec Clémentine et Fleur, pour refaire l’identité graphique de Génération XX. Et en fait la méthode de Fleur et Clémentine, c'est avant de commencer à parler couleur, identité graphique, etc., il faut d'abord revenir un peu à la base et en fait, qui est Génération XX, qu'est-ce que t'as envie de faire ? Qu'est-ce que t'as envie de dire, etc. ? Et en fait, j'ai adoré ce travail avec elles ; c'était, et je le recommande à toutes celles et ceux qui sont un peu dans une refonte de leur média ou même s'ils sont au début de leur média, qui se posent un peu des questions. C'est hyper intéressant de se faire accompagner là-dessus parce qu'en fait, c'est un œil extérieur et souvent on a les réponses au fond de nous mais c'est pas hyper simple parfois de mettre nous-mêmes les mots dessus, et donc ça c'était le travail que je faisais avec Fleur. Elle me posait des questions, c'était presque une séance de psy que je faisais avec elle ou je lui disais ce qu’était Génération XX. Et en fait, elle m'a aidé à apposer sur le papier les trois valeurs qui représentaient Génération XX, qui sont : l'intuition, l’empathie et la curiosité. 

"L'idée de ce hors-série est que j'avais vraiment envie de faire un format papier parce que le podcast c'est génial, mais c'est quelque chose de virtuel et je voulais que les gens puissent avoir un un objet chez eux"

Margaux Vulliet : Est-ce que ces trois mots tu les avais déjà définis au lancement de Génération XX ?

Siham Jibril : Non, non, pas du tout, pas du tout. C'est venu en 2019 quand j'ai fait ce travail avec Fleur avec Clémentine, mais en fait c'était déjà là, mais c'est juste qu'il a fallu mettre ces mots là-dessus. Mais non, je ne les avais pas du tout au départ. Et en fait, en retravaillant sur ces mots, je me suis dit que ce qui les relie, c'est le fait d'être à l'écoute, parce que l'intuition, c'est d'être à l'écoute de soi, de ce dont on a envie, de qui on est, etc. L’empathie, c'est être à l'écoute des autres, comprendre leur récit et être capable l'espace d'un instant, de se mettre dans leur peau pour comprendre comment eux voient le monde, comment eux ressentent les choses. Et puis la curiosité, c'est ce que je te disais tout à l'heure, c'est d'être à l'écoute du monde, c'est de regarder tout ce qui se passe, c'est d'être à l'affût des nouveautés. Les gens ne voient pas, mais je fais un un signe avec mes mains… c'est surtout de sentir le monde quoi, d'être à l'écoute. Tu vas sentir l'air du temps, c'est ça être à l'écoute du monde et c'est ça la curiosité. Et donc au moment de faire ce hors-série, je me suis dit “bah en fait le titre il est tout trouvé, c'est À l'écoute” et il y avait trois parties : à l'écoute de soi, à l'écoute des autres, à l'écoute du monde et ensuite j'ai sélectionné 10 invités, 10 anciennes invitées du podcast, 5 journalistes et je leur ai dit "qu'est-ce que vous ça vous inspire à l'écoute de soi, à l'écoute des autres, à l'écoute du monde, dans quelle partie est-ce que vous avez envie de vous insérer, qu'est-ce que vous avez envie d'écrire ?" Moi, j'avais des idées de thèmes aussi que j'avais envie d'aborder. Je voulais que ce soit quelque chose de très large, mais tout s'insérait dans cette thématique d'être à l'écoute et donc c'est ces trois valeurs aussi, l'intuition, l'empathie et la curiosité.

Margaux Vulliet : Ces trois mots-là, ils sont presque essentiels pour quelqu'un qui a envie d'entreprendre, il faut sentir les choses, il faut voir… Est-ce que tu vois un projet média comme n'importe quel autre projet ? Ou est-ce qu'il y a des choses très spécifiques que tu as vu quand tu as lancé le podcast et que t'as pas revu ailleurs après dans tes autres projets avant ou après Génération XX ?

Siham Jibril : C'est une bonne question. Je suis en train de monter un nouveau projet qui n'est pas un podcast mais en fait je retrouve quand même les mêmes choses importantes que lorsque j'ai lancé le podcast. C'est ce que tu disais à l'instant, il y a ce truc d'intuition, quand on monte un projet, ça parle de quelque chose qu'on a dans le ventre. On sent quelque chose, on a une envie, on a quelque chose à dire, quelque chose à montrer. On sent qu'il y a un manque quelque part. On a envie de combler ce manque avec notre projet. Donc ça, ça a été le cas avec le podcast. Génération XX, je l'ai lancé parce que j’étais à un moment où on m'avait proposé de monter une boîte, et moi je m'étais dit pourquoi pas ? Mais je savais pas du tout, parce qu'à l'époque j'avais 24 ou 25 ans, je me disais qu'est-ce que je vais faire ? Monter une boîte ? J'étais un peu perdue et en fait, en écoutant des podcasts américains de gens qui racontaient leur parcours, ça m'avait énormément aidé parce que déjà ça m'avait montré qu'un parcours professionnel, ou même personnel, c'est pas une ligne continue toute tracée qu'on peut imaginer dès qu'on a 20 ans et qu'on sait pas où on veut aller. Mais il y a d'autres choses qui se passent, il y a des bifurcations, il y a des moments de doutes, il y a des choses qu'on n'attendait pas, des envies qui viennent plus tard. Enfin bref, donc tout ça déjà ça m'a aidé à beaucoup relativiser là-dessus et à me dire "mais en fait c'est OK de pas exactement savoir ce qu'on veut faire". L'important c'est d’essayer, justement de suivre un peu son intuition, de tenter des choses, de voir ce qui nous plaît, d'ajuster, etc. Et puis sur le sujet de l'entreprenariat-même, dans plusieurs podcasts, j'avais entendu que l'important, quand on s'associe dans un projet, c'était d'être sûr qu'on avait la même vision, qu'on était alignés à la fois sur la vision du business, mais aussi sur des choses assez personnelles etc. Et après, je me suis rendu compte à l'époque que c'était pas le cas avec la personne avec laquelle j'allais peut-être m'associer et c'est pour ça qu'à ce moment, heureusement que je me suis pas associé parce que j'ai écouté tous ces parcours et que ça m'a fait me poser les bonnes questions. C'est vraiment ça que ça a fait, les podcasts, pour moi : je me suis posé les bonnes questions et je me suis dit “bah il faut trop que ça existe en français, ça devrait aider plein de gens. Pourquoi ça n'existe pas en français ? Il y a plein de gens hyper intéressants à interroger.” J'avais choisi d'interviewer des femmes qui entreprennent. Et je prenais vraiment le mot entreprendre au sens large, de monter un projet, que ce soit un projet associatif, culturel ou d'entreprise, et je veux que ce soit des femmes parce qu'en 2016, j'étais allée à pas mal de conférences, il y avait des femmes entrepreneurs qui parlaient et je trouvais qu'à chaque fois, les questions qu'on leur posait étaient quand même hyper clichées, ou alors c'était très binaire quoi. C'était soit “oh là là énorme success story” et une espèce mode femme modèle, enfin un truc un peu parfait, qui en fait complexe tout le monde et on se dit “mais moi, je serais jamais cette personne-là”, ou alors on insistait uniquement sur les difficultés en tant que femme, les problèmes, etc. Et enfin je me disais mais il y a peut-être un juste milieu où on peut y parler des succès et des échecs et parler des hauts, des bas, des moments où on se sent au top et des moments de doute enfin, voilà enfin, juste la vie quoi. Donc c'est pour ça que moi ensuite j'avais choisi de mettre la lumière sur des femmes parce que je trouvais qu'il y avait une nouvelle façon de leur poser des questions et de raconter leur parcours et sans justement jamais les enfermer dans le fait d'être une femme. Ne plus poser aucune question “en tant que femme, comment c'est ?”, pas du tout, je les laissaient elles se définir. Voilà donc toute cette digression juste pour dire que oui, tout part toujours d'une intuition, d'une envie ; on sent qu'il y a quelque chose qui manque et c'est ça qu'on a envie de faire. Et donc ça, je le retrouve aujourd'hui dans mon projet, le projet que je suis en train de monter qui n'est pas un podcast, mais il y a cette même intuition et il faut sentir les choses ensuite sur l'empathie. C'est hyper important je pense. Quel que soit le projet que tu montes parce qu'en fait souvent, quel que soit le projet, que ce soit un média, acheter une marque de mode, un restaurant, etc., à un moment donné, il faut se mettre à la place de la personne que tu veux toucher ou des personnes que tu veux toucher. Il faut dire OK moi je sens qu'il y a ce besoin, donc ce truc d'intuition, mais les gens en face, de quoi est-ce que eux ont envie ? Comment est-ce que eux ils se sentent, qu'est-ce qu'on leur propose déjà ? Qu'est-ce qu'il faut leur donner de nouveau ? Donc c'est hyper important de se mettre à la place aussi des autres que soi. De tes clients ou ta communauté, peu importe. Et puis ce truc de curiosité comme je te le dis, si t'es pas curieux, tu vas faire le truc que tout le monde fait déjà, et ça va pas être nouveau. Donc en fait tu vois ces trois valeurs-là, elles étaient fondamentales dans le podcast, elles sont fondamentales, je pense quand tu montes un média, mais au final, quand tu montes un peu n'importe quel projet, ensuite il y a sûrement des spécificités dans le média. En tout cas, ça c'est ces trois valeurs-là, je pense que ça peut se retrouver.

Margaux Vulliet : Quand on monte un média, il y a l'aspect technique comme tu disais au début, faut appréhender les choses mais sinon oui.

Siham Jibril : Voilà, c'est ça. Puis dans le média, il y a quelque chose de particulier parce qu'on peut parler de société d'actualité, mais en fait moi je trouve que dans tu vois justement, j'ai interrogé quand même beaucoup d'entrepreneurs dans mon podcast, donc qui lançaient des projets dans plein de domaines différents, mais en fait, quand on lance un projet, c'est tout le temps inscrit dans l'air du temps, ça te dit quelque chose de la société, la façon dont on le fait, ça dit quelque chose de nos valeurs. Et d'ailleurs, il y a aujourd'hui plein de projets qui, à la base, ne sont pas des médias. Mais finalement, qui se retrouvent à devoir presque créer un média en parallèle de leur activité, ou en tout cas qui utilise par exemple les réseaux sociaux comme un média parce qu'il faut faire passer des valeurs, des messages, etc. Donc je sais pas ce que tout tout est un média au final, je ne sais pas, nous même, on est un peu un média parce qu'on quand on s'exprime, quand on a des choses à dire, quand on a des vues politiques… Enfin voilà. Ouais, sûrement des spécificités dans le média auquel là je pense pas maintenant, mais en tout cas dans juste le côté entrepreneurial de la chose. Je pense que c'est un projet qui enfin, voilà d'autres projets qui sont pas des médias peuvent peuvent avoir les mêmes valeurs, les mêmes constituantes, quoi.

Margaux Vulliet : Tu disais que t'avais pensé la fin de Génération XX à peu près six mois avant. Dans le dernier épisode, le numéro 100, j'ai relevé des phrases qui m'ont assez marqué, où tu dis “Par où on commence par finir ? J'ai choisi le début et je choisis la fin. Toutes les fins n'ont pas à être malheureuses et brutales.” On dirait presque que t'avais une une relation presque de couple avec Génération XX parce qu'on se dit bah finalement… enfin tout ça pour dire que comment t'as envisagé cette fin-là, sur les six derniers mois où tu savais que t'allais terminer ?

Siham Jibril : On en revient à ce dont on parle depuis tout à l'heure, ce truc d'intuition en fait. De la même façon j'ai choisi le début de Génération XX, c'est quelque chose… de très intuitif. Je me disais, il faut le lancer. Je me suis pas posé 10 000 questions et voilà. De la même façon, à un moment donné, j'ai senti que c'était le moment de clôturer et en fait j'ai clôturé l'année de mes 30 ans parce que j'aime bien les symboles… j’étais à peu près à 80 épisodes et je savais que le 100e allait arriver, et je me disais bon 100 épisodes c'est symbolique, qu'est-ce que je fais après ? Je me disais mais je vais pas faire 110 épisodes après j'arrête au bout de 110. C'est nul de s'arrêter à 110. Du coup je me disais alors ça veut dire que je repars pour 100 et j'arrête à 200 ou alors j'en fais 1 000 et en fait je sais pas, il y avait quelque chose vraiment d’instinctif, où je me disais 100, c'est le bon moment, ça fait quatre ans, je vais avoir 30 ans, j'ai aussi d'autres envies. Je pense que j'avais aussi envie de clôturer avant de me lasser. J'avais pas envie de me lasser en fait. Justement, j'avais pas envie un jour de me lever, de me dire “Oh, j'en ai marre” ou que l'on me dise “Oh c'est bon, on a compris, Génération XX” , j'avais pas envie de faire l'interview trop, j'avais pas envie. Je me souviens en avoir parlé une fois avec une personne qui me disait “Oui mais ça se trouve, ce moment serait pas arrivé” mais bon après moi je me connais aussi, je sais que j'ai plein d'envie qu'il y a plein de choses que j'ai envie de faire dans ma vie, donc je savais aussi que ce moment serait arrivé. Et donc j'ai préféré l'anticiper, me dire tant que je trouve ça cool bah je préfère clôturer maintenant. Et voilà, il y avait ce truc symbolique du 100e épisode de l'année de mes 30 ans. Je voulais à l'époque clôturer pile le 1er février 2021 pour que ça fasse pile quatre ans et j'ai pas réussi parce que en fait ça a été hyper long d'écrire ce dernier épisode parce que je savais que ça allait pas être une interview. Il y a des gens qui me disaient "ah mais ça pourrait pas être une interview de toi" mais je voulais pas du tout finir avec une interview de moi. Je voulais vraiment finir sur une espèce de conclusion mais une conclusion ouverte, pas un point final, c'est toujours quelque chose d'un peu ouvert et d'ailleurs si... si, je dis si parce que je suis toujours superstitieuse, mais je vais lancer ce nouveau projet et en fait, dans le hors-série, il y a déjà un indice sur le projet que je suis en train de lancer, déjà un pont avec la suite. Oui c'est quelque chose qui se clôture mais c'est une ouverture sur la suite. Moi j'aime bien cette façon de voir les choses et c'est un peu ce que je veux dire, c'est pas une fin, c'est pas mal. Enfin c'est pas un point final et on fait table rase. Tu vois sinon d'ailleurs je ne serais pas venu parler de Génération XX. Aujourd'hui, j'en parle, je suis hyper contente de ce que j'ai fait. Je me retourne sur ces années en me disant "c'est dingue et ça m'a amené là où je suis aujourd'hui." Enfin, vraiment, j'ai une relation hyper apaisée avec Génération XX, c'est pas une relation de couple où c'est un truc qui s'arrête tout plein, c'est plus une phase de ma vie, de la même façon que mes études étaient une phase de ma vie. J'ai pas envie de vivre dans le passé, de me dire “Ah c'était mieux avant”. Il y a quelque chose qui est clôturé mais il y a plein de nouvelles choses qui arrivent derrière en termes de projets et c'est ça que j'avais envie de dire dans ce dernier épisode. Mais ça a été long et c'est pour ça que j'ai commencé en disant “Par où on commence pour pour terminer”, parce que j'ai toujours un peu du mal à être, comme j'en fais la démonstration, concise, et je me suis dit "Bah il faut que je fasse un épisode pour clôturer, il faut que je fasse un peu un bilan". Et en fait, je trouvais ça vertigineux. Je me suis dit mais comment je vais dire en dix minutes tout ce que j'ai appris, vu, ressenti pendant quatre ans ? Je me disais "mais j'arriverai jamais à le dire en dix minutes, il faut que je fasse une conférence, un cycle de conférences pour parler de tout ça". Mais je me suis forcée, je me suis dit "non mais il faut que j’y'arrive" et donc ça m'a pris un mois et demi d'écrire cet épisode et donc du coup il est sorti le 28 février et d'un côté, je trouvais ça cool. Je me suis dit c'est cool d'avoir commencé un premier février et de finir avant la fin du mois.

Margaux Vulliet : À la fin de l'enregistrement de l'épisode 100, t'as ressenti quoi ? De la satisfaction ? Du soulagement ?

Siham Jibril : Ouais, j'étais hyper contente d'avoir écrit cet épisode et j'étais hyper contente que ça finisse, d'avoir réussi à poser ces mots-là et, je ne l'ai pas réécouté récemment le 100ème épisode mais il m'est arrivé de le réécouter et je suis toujours très en phase avec ce que j'ai dit et donc, j'avais en un sentiment de satisfaction, j'étais contente en fait de la façon dont ça s’est clôturé et à nouveau, voilà, le j'avais sorti le hors-série, il a bien marché, là on avait, avec l'aide de Marine et Baptiste, mis en place la communauté en ligne. Enfin, j'avais un un sentiment de satisfaction, mais pas en me disant “ah, je suis trop forte” mais juste en me disant “bah je suis contente du devoir accompli”. Si je ne me trompe pas, dans le centième épisode, à la fin, je lis un passage de Camus dans lequel je vais pas réussir à le citer exactement, mais qu’il écrit “j'avais au cœur le sentiment d'un homme qui a bien fait son travail.” En fait, c'est ça que j'ai ressenti et tu vois, j'ai un sourire, ça me fait vrai parce que c'était vraiment très agréable. Je me disais bah, je suis contente. C'est la bonne conclusion. C'est comme quand on finit un livre et on est content, on se dit bah c'était cool, j'ai passé un bon moment, ouais c'est vraiment ça que j'ai ressenti.

Margaux Vulliet : T'étais contente d'avoir transmis des choses, parce que toi tu avais t'avais reçu par les podcasts américains quelque chose qui n'existait pas en France, donc t'as transmis quelque chose via le podcast ? 

Siham Jibril : J’ai pas tant dit les choses comme ça en fait. À chaque fois, j'ai eu beaucoup de chance car le podcast a pris assez rapidement parce que… Je dis chance parce qu'en fait, il y avait quand même un truc de timing, mais à nouveau le timing c'est parce que je l'ai senti et parce que je regardais beaucoup ce qui se faisait aux États-Unis, je me disais je pense que ça va venir en France. Enfin, il y avait un bon timing qui a fait que le paquet a pris assez rapidement et en fait et je remercie toutes celles et ceux qui à chaque fois prenaient le temps de m'écrire après chaque épisode pour me dire ça m'a beaucoup aidé, j'ai adoré. C'est un moment de ma vie où bah je ressentais de telles choses et je me suis sentie moins seule, etc. En fait, c'est le truc de transmission, je l'ai ressenti pendant les quatre ans, à chaque fois je sentais que les gens étaient contents d'écouter et que ça leur apportait quelque chose et donc ce que moi j'avais réussi à avoir des podcasts américains, je sentais que je l'avais transmis aussi, au fil des épisodes. Le 100e épisode, j'ai ressenti quelque chose de plus personnel et peut-être plus en relation avec l'aventure entrepreneuriale en elle-même. Donc c'est juste la satisfaction d'avoir fait un projet pendant quatre ans et d'être contente de la façon dont je l'avais mené. À un moment donné, je me suis posé des questions sur comment le développer, etc. Et en fait, il y avait 1 000 façons de développer Génération XX. J'aurais pu faire d'autres choses, j'aurais pu faire plein de choses, mais il y avait des choses où je me disais bah c'est pas moi en fait, je pourrais très bien développer Génération XX, faire ci, faire ça mais c'est pas moi. Je me sens pas, j'ai pas envie de le faire ; de la même façon que pour la monétisation il y avait des partenariats que j'aurais pu faire mais en fait j'avais pas envie de les faire parce que Génération XX c'était à la base un projet qui était assez personnel et j'avais pas envie que tout d'un coup ça devient juste un business. C'était pas toujours simple en fait de prendre les décisions parce qu'il y avait quand même beaucoup de moi, et mélanger le perso avec des considérations business, parce que bien sûr, pour faire vivre un média qui est gratuit, y a pas non plus 10 000 façons de le faire : c'est de la monétisation, avec des annonceurs, et en même temps les annonceurs, il faut les choisir. Il était hors de question qu'il y ait des annonceurs qui ne soient pas en phase avec les valeurs que je voulais véhiculer à travers le podcast donc j'avais quand même parfois pas mal de… un peu de nœuds au cerveau, je dis un peu mais j'ai eu beaucoup de nœuds en quatre ans, je vais pas vous mentir. Et en fait je pense que c'est aussi tout ça qui a participé. En fait, je me suis dit à un moment donné c'est le bon moment aussi de clôturer parce que les évolutions que je vois, elles sont pas 100 % alignées avec qui je suis et qui j'ai envie d'être et ce que j'ai envie de faire de ce podcast. Donc en fait, cette satisfaction, c'était aussi la satisfaction de me dire j'ai pas poussé ce projet juste pour le pousser juste pour en faire un gros business, mais juste pour faire des écoutes. Voilà, enfin j'étais contente d'être restée fidèle à qui je suis et ce que j'ai envie de faire et qui j'ai envie d'être, donc c'était ça aussi la satisfaction du 100e épisode, c'était quelque chose de personnel et lié à l'aventure entrepreneuriale.

"Je me suis dit à un moment donné, c'est le bon moment aussi de clôturer parce que les évolutions que je vois, elles sont pas 100 % alignées avec qui je suis et qui j'ai envie d'être."

Margaux Vulliet : Génération XX, ça continue quand même de vivre grâce à la communauté, et tu le dis même, c'est “prenez le relais, vous les différentes auditrices, continuer à faire vivre Génération XX”. J'en parlais en intro, une importante communauté en ligne où chacun peut se mettre en relation. Est-ce que tu peux expliquer déjà le projet en lui-même de la communauté et comment après cette communauté, continuer à vivre après le 100ème épisode ?

Siham Jibril : Le projet de la communauté, c'était de se dire il y a plein de gens qui écoutent Génération XX dans le monde entier. Bon, tous les épisodes sont en français, donc c'est soit des gens qui sont dans des pays francophones, soit des gens qui parlent français dans d'autres pays, aux États-Unis, en Australie. Et je me suis dit mais tous ces gens, s'ils écoutent Génération XX, qu'ils aiment le podcast, etc., ça veut dire qu'ils ont des choses en commun. C'est peut-être pas un métier, c'est peut-être pas un âge, c'est peut-être pas un genre, c'est peut-être pas une passion, mais c'est une une façon d'appréhender les choses qui leur plaisent. Parce que moi, ce qui m'intéresse, dans le podcast, c'était la nuance, c'était la complexité. C'était pas de dire “Ah, unetelle, c'est une success story, et l'autre c'est un échec”. Je posais beaucoup la question : “C'est quoi le succès pour toi ? C'est quoi un échec ?” Et d'ailleurs, c'est jamais aussi binaire que ça, il y a plein d'autres choses. C'est ça qui m'intéresse, et comme je te disais, il y avait donc ces trois valeurs dont on a parlé. Je me suis dit ces gens qui écoutent et qui aiment vraiment tout ce qui s'y dit et plus la façon dont c'est dit, les questions que je pose, etc., bah c'est qu'ils ont un set de valeurs en commun. Je me suis dis “C'est trop bête, il faut que ces gens se parlent et comment on fait ?” et donc l'idée assez simple de départ, c'était de se dire il faudrait qu'il y ait un annuaire où les gens qui ont envie s'inscrivent et puissent avoir accès aux fiches, aux contacts des autres personnes qui se sont elles aussi dit "moi aussi j'ai envie de faire parler de cette communauté, moi aussi j'ai des valeurs en commun, etc." Et donc ce qu'on a construit avec Marine et Baptiste de Médianes, ce qu’ils m'ont aidé à faire, c'est une page sur le site Internet de Génération XX sur laquelle on entre avec un mot de passe, parce que du coup l'accès à la communauté c'était payant et c'était un accès pour toute la vie. C'est pas un truc récurrent, c'est pas un abonnement qu’on renouvelle. Et donc c'est une page sur laquelle chaque personne qui fait partie de la communauté a sa fiche avec son nom, son prénom, la ville, une petite phrase, et il y a la possibilité de mettre un paragraphe sur soi parce que je voulais pas que ce soit juste un profil LinkedIn. L'idée, c'était que les gens puissent parler un peu d’eux, le lien si les gens ont envie de partager vers leur Instagram ou vers leur compte LinkedIn. Chacun a sa fiche, et donc quand on se connecte sur la communauté Génération XX, on a accès à tous ces gens et en fait, moi je me disais, imagine un jour, je sais pas, tu vas à New York, tu connais personne. Tu peux aller sur l'annuaire et tu vois s'il y a des gens, tu peux les contacter et vous pouvez prendre un café. Et a priori, vous avez déjà quelque chose en commun, donc ça fait une première chose dont vous pouvez parler. Bien sûr je dis pas qu'on va parler de Générations XX, mais en fait ça crée du lien quoi. Et je me disais, si les gens peuvent s'entraider à travers cette communauté, ce serait génial. Ou même par exemple, sur la communauté, je sais qu'il y a plusieurs personnes qui sont dans le monde du spectacle, alors ça peut être “tiens, toi t'es scénariste, je cherche justement quelqu'un pour m'accompagner sur l'écriture d'un court-métrage. Est-ce qu'on pourrait se parler ?”. Enfin voilà, l'idée, en fait, c'était vraiment de créer un réseau parce qu'on dit toujours que c'est difficile d'avoir du réseau, etc. Je me suis dit qu’on pouvait créer un réseau à partir de toutes celles et ceux qui ont envie de faire partie de cette communauté Génération XX, qui se sont retrouvés dans les valeurs, donc faisons-le. Donc la communauté c'est ça. Il y a aussi un espace où on peut poster une annonce, parce que parfois on n'a pas forcément une personne à contacter en particulier, mais on a juste une annonce à faire passer et donc j'imaginais ça vraiment comme les tableaux à l'ancienne, en liège là, où on peut passer une petite annonce. Ce que j'avais commencé à faire au début c'était une newsletter mensuelle dans laquelle je mettais les annonces qui ont été postées dans le mois, et je mettais aussi en avant trois personnes de la communauté, trois profils. Et puis au début, il y avait aussi des personnes qui ont proposé d'organiser des événements. Par exemple, il y a Maude qui habite à Londres et qui est prof de yoga, qui a proposé un cours de yoga gratuit à la communauté, donc c'était hyper chouette. Et la difficulté, pour être honnête, c'est qu'en fait moi effectivement ce que j'avais dit, c'était bah cette communauté, c'est vous, à vous de la porter, mais en fait c'est pas si simple de laisser les gens s'approprier un outil, c'est pour ça qu'au début il y avait cette newsletter, pour animer le truc. Sauf que j'ai récemment j’ai pas envoyé de nouvelles newsletters et c'est dans ma To-do depuis 1 000 ans de me dire "il faut que j'en envoie une pour aussi voir si peut être dans la communauté il n'y a pas quelqu'un qui a envie de s'en occuper". Un jour, on a fait un un Zoom, l'été dernier, avec quelques personnes de la communauté pour dire “comment est-ce qu'on pourrait faire évoluer cette communauté ? Est-ce que ça doit devenir une association par exemple ? Et qu'est-ce qu'on peut en faire ?” Enfin voilà, en fait, cette communauté, c'est quelque chose qui est du… désolée pour l'anglicisme mais du work in progress. Moi je l'ai imaginé à la base comme un annuaire, mais voilà peut-être que ça va devenir autre chose, peut être qu' il y a quelqu'un dans la communauté qui va avoir envie de le développer. Voilà, je sais pas encore ce que ça va devenir parce que le but c'était surtout de pas avoir quelque chose de descendant, c'est pour ça qu'au début moi j'ai envoyé la newsletter et après je me suis dit "En fait on retombe dans quelque chose où c'est moi qui doit faire en sorte que les gens se parlent entre eux”, alors que moi j'ai vraiment imaginé cet annuaire en me disant “J'espère que dans cinq ans il sera encore là, dans 10 ans il sera encore là”, quelque chose que les gens peuvent utiliser quand ils en ont besoin parce que peut-être que là ils en ont pas besoin et peut-être que voilà dans trois ans, un jour, ils iront à Berlin et "je connais personne à Berlin, bah tiens, il y a la communauté Génération XX". Et comme je te disais, le coût d'entrée c'est un one shot, tu payes une fois pour toute la vie, c'est pas hyper engageant derrière, donc sa vocation va peut-être évoluer. Peut-être que quelqu'un, la communauté aura envie de continuer à le faire évoluer. Je sais pas ce que ça va donner mais c'était le but aussi à la base pour moi, je me disais pas “Ah tiens, ça c'est une nouvelle activité, maintenant j'ai clôturé le podcast et je vais m'occuper de la communauté” : pas du tout, et d'ailleurs j'ai été assez claire là-dessus dès le départ. J'ai tout de suite dit "voilà la communauté, c'est un espace qui existe en ligne, c'est pour vous, si vous avez envie de rester en contact ou de créer plus tard des contacts, mais moi j'ai pas vocation à l'animer mais je suis pas du tout opposée au contraire, je suis très ouverte à des propositions pour la développer en dehors, en dehors de moi". Moi, j'étais très contente de me dire je passe le relai, le flambeau.

Margaux Vulliet : Peut-être quelqu'un prendra le relais de Génération XX saison 2…

Siham Jibril : Je pense pas parce que ce serait quand même moins incarné. Et puis surtout, si quelqu'un avait envie de reprendre, j'aurais envie de lui dire “crée ton propre truc, crée ta pate, ton identité, t'as pas besoin de te mettre dans celle que moi j'ai créé”. Mais en tout cas oui sur la communauté, s'il y a des gens de la communauté qui écoutent ce podcast, je suis très à l'écoute de comment on pourrait la faire évoluer avec grand plaisir.

Margaux Vulliet : T'as toujours une relation quand même un petit peu avec des personnes spécifiques de ta communauté ?

Siham Jibril : Ouais, je reçois des messages. Là, par exemple, j'ai reçu un message hyper sympa d'une auditrice qui était de passage à Paris et qui me disait “je suis de passage à Paris, est-ce que ça te dit de prendre un café ?” Bon, il s'avère que je ne suis pas là le jour où elle est là, mais c'est trop sympa, je vois encore quand même régulièrement plusieurs de mes invités. Sur Instagram, parfois, j'ai des éditrices qui m'écrivent “ah, ça fait longtemps qu'on t'a pas pas vu sur le compte”, parce que le compte Instagram de Génération XX existe toujours, mais j'ai pas posté depuis super longtemps. Je suis en train de me demander, pour mon futur projet, si je reprends ce compte là ou pas. Enfin bref, on verra. Mais oui, j'ai encore des liens et c'est trop chouette. D’ailleurs, une lectrice que j'avais rencontrée parce que j'avais fait un événement à New York, m'a demandé si on pouvait prendre un café. Enfin c'est trop cool quoi. Ça me touche beaucoup à chaque fois, ouais.

Margaux Vulliet : Et la communauté que tu as construite avec Génération XX, est-ce qu’elle peut faire le lien avec tes futurs projets ?

Siham Jibril : Bah complètement parce que le projet sur lequel je travaille en ce moment il est évidemment lié à tout ce que j'ai appris, tout ce que j'ai senti aussi pendant ces quatre ans de Génération XX, comme je t'ai dit il y a déjà un indice dans le hors-série et je pense que toutes les personnes qui font partie de la communauté Génération XX, qui que ce soit, cette communauté en ligne ou au sens large, celles et ceux qui m'ont écouté, je pense qu'a priori, s’ils partagent toutes les valeurs dont on a parlé, ils seront intéressés par ce nouveau projet. Il y a clairement un lien.

Margaux Vulliet : T'as le droit de nous dire quelques indices ?

Siham Jibril : Oui, ce que je peux te dire, c'est que c'est lié, c'est un projet pour toutes celles et ceux qui ont envie d'apprendre toute leur vie. Et pas uniquement d'apprendre des choses qui leur servent au travail, mais d'apprendre à cultiver leur curiosité, de découvrir le monde, de comprendre le monde aussi. C'est un projet pour toutes celles et ceux qui ont envie de tout ça.

Margaux Vulliet : Et tu l'appréhendes différemment du podcast, j'imagine que tu as beaucoup appris ?

Siham Jibril : J'ai appris beaucoup de choses. En tout cas, j'ai des phrases d'invités qui me reviennent, et puis aussi moi, de mon expérience pendant quatre ans, donc j'avais monté une boîte et tout, donc j'étais entrepreneure, donc j'ai fait des erreurs, etc. Donc tout ça évidemment c'est inscrit en moi et oui du coup il y a des choses qui sont plus simples. Mais en fait le projet que je monte là, ce sont des choses que j'ai jamais faites, beaucoup de choses sont nouvelles, et là on est deux…

Margaux Vulliet : Ouais, cette fois tu t'associes.

Siham Jibril : Ouais, on n'est pas encore associés officiellement, mais ça ne saurait tarder. Donc c'est différent. J'apprends aussi à travailler à deux. C'est différents codes d’être tout seul. Il y a des choses qui sont très différentes de ce que j'ai fait avec Génération XX et qui sont très nouvelles. Là, j'ai les yeux écarquillés parce que je sais tout ce qui m'attend, tout ce qui nous attend : il y a beaucoup de choses, mais oui, forcément, il y a des choses que j'ai apprises, qui vont m'être très utiles, donc ça c'est quand même chouette.

Margaux Vulliet : Écoute, on regardera ça de très près.

Siham Jibril : Merci beaucoup.

Margaux Vulliet : Merci beaucoup Siham d'avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Siham Jibril :  Avec grand plaisir, Merci beaucoup pour tes questions et à très vite.

Margaux Vulliet : Merci à vous, chers auditeurs et auditrices. Vous pouvez retrouver les autres épisodes de Chemins sur toutes les plateformes d'écoute. Surtout, prenez soin de vous et de vos médias.

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