Epsiloon : se relancer dans une aventure média, entre expérience et nouvelles exigences — 3/5
Mathilde Fontez travaillait chez Sciences et Vie jusqu’à ce que le magazine soit racheté par le groupe Reworld Media. Avec son collègue Hervé Poirier, ils ont lancé un nouveau magazine scientifique : Epsiloon. Le premier numéro est sorti en mai 2021 après une campagne de crowdfunding qui a été un franc succès.
Notre série :Ils ont lancé leur média en 2021, ils racontent
Quitter sa rédaction, Nicolas de Ruyffelaere l’a fait. Mais parfois ce départ est contraint car les journalistes ne se reconnaissent plus la ligne éditoriale. En 2020, le magazine Sciences et Vie est racheté par Reworld Media ; Mathilde Fontez et Hervé Poirier font partie de ceux qui ont démissionné. Dans ce troisième épisode, ils racontent leur lancement dans une nouvelle aventure média avec Epsiloon.
Quel bilan est-ce que vous tirez quelques mois après le lancement ?
Mathilde Fontez : Nous comptons près de 40 000 abonné·es, c’est un beau succès. Petit à petit, on s’installe. En tant que magazine papier on doit se distinguer. Notre audience est large, il va des lecteur·ices assidu·es curieux·ses de découvrir des médias aux passionné·es de sciences. C’est un atout et en même temps on doit faire en sorte de parler à tout le monde.
Les journalistes qui ne sont plus en accord avec la direction peuvent démissionner en invoquant la clause de cession. Rebondir après un tel rachat peut être difficile. Comment s’est lancé le projet Epsiloon ?
Nous avons quitté la rédaction de Sciences et Vie. Puis nous avons réfléchi au projet Epsiloon, nous voulions faire un magazine accessible. Le moment décisif a été la rencontre avec notre éditeur Unique Heritage. Sans cela, le magazine n’aurait pas été possible. Nous ne voulions pas repartir dans une aventure journalistique sans être certains d’être bien entourés. Avec le lancement d’un nouveau magazine, nous étions dans l’obligation de rencontrer notre public, pour être rentables et donc indépendants.
Vous avez misé sur le crowdfunding, c’est le deuxième plus gros succès sur la plateforme de crowdfunding Ulule, comment vous l’expliquer ?
Cela signifie que le public a encore de l’enthousiasme pour la presse magazine ! On a eu un soutien d’adhésion. Ce qui a fonctionné c’est que nous avons été sincères ; on a raconté notre histoire, notre projet, en essayant de donner du sens à nos sujets. Nous avons défini une ligne éditoriale claire et un graphisme propre au magazine. L’objectif était de tester, de voir si la formule que l’on propose parle aux gens. On écrit pour qu’on nous lise, donc il fallait qu’il y ait une demande et que les lecteur·ices soient prêt·es à payer pour nous lire.
Vous avez aussi misé sur le magazine papier, envisagez-vous de tester de nouvelles formules ?
Le but n’est pas de passer au tout numérique puisque ce n’est pas notre ADN de départ mais nous allons lancer un site avec du contenu. Pour le moment, la plateforme ne sert qu’à présenter notre magazine et à s’abonner. Dans Epsiloon, nos articles ne sont pas écrits pour être perdus sur le Web quelques heures après sa publication, ce n’est pas une lecture de flux. Ils sont fait pour durer dans le temps : reprendre le magazine plusieurs mois plus tard et être toujours autant d’actualité. On a aussi pour projet de se lancer dans le podcast car c’est un format qui se marie bien avec les histoires que l’on racontent.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait lancer un magazine papier ?
Il y a beaucoup de choses auxquelles il faut penser. Sur le fond, il est essentiel de se poser la question suivante : est-ce que je propose au lecteur une idée qui n’existe pas ? En tant que journalistes, on doit proposer des sujets dans l’air du temps, surprendre et donner envie d’ouvrir notre magazine tous les mois pour apprendre des choses. Dans l’industrie du magazine papier, il y a encore de la place à condition de rencontrer son public. Surtout, on ne fait pas un magazine pour se faire plaisir soi-même mais pour dire quelque chose au lecteur.
Pour aller plus loin
Presse : le papier est-il encore désirable ? : France Culture se pose la question avec Éric Fottorino (Le 1, Zadig) et Isabelle Robert (Les Jours).
Retour d’expérience : le lancement d’Epsiloon : les fondateur·ices étaient les invité·s de l’émission L’Instant M de France Inter.
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