Illustration d'un texte entrecoupé de nombreux passages en gras.

Pourquoi tant de gras ?

Nous inaugurons aujourd'hui une chronique dédiée au design graphique, menée par Christelle Perrin, directrice artistique associée de Médianes. Aujourd'hui, clash typographique et pamphlet contre les mésusages du gras.

Christelle Perrin
Christelle Perrin

En rédigeant un texte long, il peut être tentant de passer en gras certains mots afin de les mettre en valeur. On peut avoir envie de mâcher le travail en anticipant que l’attention du lectorat sera brève. Toutefois, l’intrusion du gras dans un paragraphe soulève plusieurs points d’attention.

Les problèmes du gras dans les textes

  • Le gras est souvent utilisé comme une béquille pour arranger un texte trop long ou brumeux. Mieux vaut simplifier la syntaxe pour moins ressentir ce besoin d’un traitement à deux vitesses.
  • En mettant en avant certaines parties du texte, on éteint mécaniquement les autres passages qui paraissent ainsi superflus. Or, ce qui est important pour la personne écrivant le texte n’est pas forcément ce qui le sera pour l’individu le lisant.
  • La succession des mots en gras et non-gras peut créer une rupture de rythme entravant la fluidité (et le confort) d’une lecture attentive. Les yeux sont encouragés à sauter d’un passage en gras à un autre, plutôt que de lire des phrases complètes.
  • Les balises <strong>, utilisées en HTML pour créer des caractères gras, guident les moteurs de recherche pour déterminer l’essentiel de la page — ce qui ne correspond pas nécessairement aux passages en gras.
  • Les textes en gras (ou soulignés) induisent usuellement en web un texte cliquable ou interactif. Il y a ici un risque de frustration.

Alors, quand utiliser les caractères gras ?

En fait, il est rare qu’il faille recourir au gras comme on surlignerait des fiches de révision. Et la longueur du contenu importe peu ; il n’y a d’ailleurs pas de gras dans les livres ni dans les colonnes des journaux.

En revanche, le besoin de guider la lecture et de raccrocher l’attention est réel. C’est le rôle des intertitres, qui paraissent au début de chaque paragraphe pour en introduire l’essence. Ces intertitres sont autant d’ancres pour parcourir le texte. C’est sur eux — donc, sur les éléments de structure — qu’on vient appuyer en utilisant des caractères gras ou plus grands — leur donnant ainsi un statut différent du reste du texte.

On peut aussi utiliser le gras pour notifier un style de texte différent : un chapô introductif ou une citation en exergue, par exemple.

En somme

Au gras à outrance, il est préférable de veiller à la concision de son propos et à la structure du texte : une grande idée par paragraphe avec un intertitre l’introduisant. Le gras est à réserver pour mettre en avant cette structure : le chapô introductif, les titres, intertitres, exergues éventuelles. Ainsi, nous veillons, chez Médianes, à clarifier la hiérarchie de l’information, et à mettre le design graphique au service des utilisateur·ices.

Ressource pour aller plus loin

Lexique des règles typographiques, aux éditions Actes Sud, 17€.

Design

Christelle Perrin Twitter

Christelle est la directrice artistique associée de Médianes. Elle est charge de la direction artistique des projets accompagnés, et de Médianes.