Présidentielle 2022 : les propositions pour les médias
Parmi les douze candidat·es, tous·tes n’abordent pas le secteur des médias de la même manière. D’une page entière à quelques lignes sans propositions précises, les médias restent, pour autant, un sujet de campagne. Petit tour d’horizon des programmes des candidat·es.
Le classement est celui du conseil constitutionnel.
Nathalie Arthaud
Candidate Lutte ouvrière. Rien n’apparaît dans son programme à ce sujet.
Dans une interview donnée à RTL en 2012, elle dit vouloir exproprier les patrons de presse dont Vincent Bolloré et Bernard Arnault.
Fabien Roussel
Candidat PCF, il a lui-même été journaliste. La question des médias apparaît à plusieurs reprises dans son programme dans les paragraphes culture, jeunesse et libertés publiques.
Ses constats : « On aura laissé s’installer une concentration sans précédent des médias entre les mains de gigantesques groupes financiers » (dans son programme), « La concentration des médias, pour moi, est beaucoup liée à l’absence de soutien public pour tous ces médias qui n’ont pas les recettes publicitaires leur permettant de vivre et de se développer » (Grand oral d’Europe 1).
- Principales mesures : revaloriser les fonds d’aide à la presse, créer un conseil national des médias composé d’élu·e·s, de représentant·e·s des professionnel·le·s du secteur, et d’usager·e·s, proposer une loi contre la concentration des médias.
Pour les médias indépendants, il assure que la création de médias locaux et alternatifs sera favorisée et il souhaite revaloriser les fonds d’aides à la presse, « pour permettre la modernisation et l’accès et l’aide publique aux journaux quotidiens à faibles ressources publicitaires sera doublée ».
Dans les rédactions, il propose la reconnaissance d’un droit de veto « pour les rédactions concernant la nomination des cadres éditoriaux, « si la voix des personnels n’est pas entendue dans les conseils d’administration ». Il mentionne également dans son programme « que la protection des sources des journalistes sera garantie ».
Sur le plan législatif, il entend proposer une loi contre les concentrations dans la presse. Concrètement, « les entreprises de radio et de télévision publiques démocratisées veilleront à faire respecter le pluralisme des idées et des traitements de l’information, à promouvoir la diversité des arts et de la culture, à encourager la création culturelle comme l’éducation ». Il souhaite instaurer une responsabilité publique et sociale à tous les secteurs de l’information et de la communication. Il veut abroger la loi sécurité globale jugée « liberticide » et appliquer strictement la directive européenne des droits voisins.
Emmanuel Macron
Candidat La République en Marche. La question des médias apparaît dans son programme dans le paragraphe « atteindre le plein emploi et mieux vivre de son travail » et dans le paragraphe « démocratie ».
Durant son quinquennat : la législation sur les droits voisins a été mise en place, la commission d’enquête sur la concentration des médias au Sénat s’est achevée fin mars, le gouvernement a modifié des conditions d’attribution des aides à la presse, une aide financière aux médias durant la crise sanitaire a été proposée.
- Principales mesures : supprimer la redevance audiovisuelle, lancer des états généraux concernant le droit à l’information au niveau européen.
Dans le secteur des médias, il entend supprimer la redevance audiovisuelle et table sur un budget voté sur cinq ans pour la compenser. Il veut pérenniser le financement de l’information libre indépendante et la production de documentaires, sans donner plus de précisions. Il souhaite lancer des États généraux pour le droit à l’information, « afin de lutter contre toutes les tentatives d’ingérence et donner aux journalistes le meilleur cadre pour remplir leur mission essentielle, en associant les citoyens ».
Dans les instances, renforcer la régulation à l’encontre des géants numériques et soutenir les droits voisins visant à rémunérer les éditeurs de presse et encourager la mise en place d’accords.
Jean Lassalle
Candidat Résistons. La question des médias apparaît dans son programme dans le paragraphe culture et patrimoine.
Dans le secteur des médias, il veut conditionner le financement public des médias privés et de la culture à l’indépendance des propriétaires.
Marine Le Pen
Candidate du Rassemblement National. La question des médias apparaît dans son programme dans le paragraphe « croissance ».
Son constat : « un audiovisuel public dont il est de toute façon de plus en plus difficile de distinguer la spécificité, cette privatisation permettra de consolider le secteur audiovisuel privé qui subit la concurrence de plateformes aux moyens considérables ». (Le Figaro, 8 septembre 2021)
- Principale mesure : privatiser l’audiovisuel public et supprimer la redevance.
Éric Zemmour
Candidat Reconquête. La question des médias apparaît dans son programme dans les paragraphes « impôts » et « culture française ».
Ses constats : « La privatisation du service public de l’audiovisuel est nécessaire, car il ne remplit plus son rôle. Le service public est devenu une machine de propagande au service d’une idéologie bien pensante » (C8), « Quant à l’audiovisuel public, au lieu de remplir ses missions d’information et de transmission, il est devenu le siège d’une idéologie intolérante qui ne respecte pas la pluralité des opinions, ce qui est un manque de respect intolérable envers les Français qui le financent ». (Programme).
- Principales mesures : privatiser l’audiovisuel public et supprimer la redevance audiovisuelle.
Dans le secteur des médias, il veut supprimer la redevance audiovisuelle « grâce à la privatisation des principales chaînes de l’audiovisuel public : France 2, France Inter et France Info TV » et entend recentrer l’audiovisuel public autour de la culture « (autour de France 5, France Culture, Arte, France Musique) et de la voix de la France à l’international (autour de France 24, TV5 Monde et Radio France International) ». Le candidat souhaite valoriser nos terroirs et maintenir l’information de proximité en transférant gratuitement France 3 et France Bleu ainsi que leurs antennes régionales aux collectivités locales.
Dans la loi, abrogation de la loi « contre la manipulation de l’information » du 22 décembre 2018 qui « menace les libertés publiques » et revenir au cadre juridique précédent qui prévoyait déjà un « délit de fausse nouvelle ».
Jean-Luc Mélenchon
Candidat La France Insoumise. La question des médias apparaît à plusieurs reprises dans son programme dans les paragraphes « démocratie et institution » et souhaite « une révolution citoyenne dans les médias ».
Son constat : « la soumission financière des médias nuit au pluralisme et à la liberté d’expression ». (Programme médias).
- Principales mesures : adopter une loi anti concentration dans les médias, créer un conseil de déontologie des médias, élire au Parlement les présidents de France Télévisions et de Radio France (actuellement nommés par le Président de la République).
Pour les médias indépendants, il veut réserver les aides publiques à la presse aux seuls médias d’information. Il souhaite favoriser les coopératives de journalistes, et attribuer des fréquences aux médias locaux et associatifs.
Dans les rédactions, il entend assurer une protection des sources et des lanceur·euces d’alerte, sans les obliger à saisir leur employeur en premier lieu (le candidat souhaite accorder l’asile à Julian Assange) et donner un droit d’agrément aux rédactions face à l’entrée d’un nouvel actionnaire.
Dans la loi, le candidat dit vouloir protéger le secteur des intérêts financiers et politiques par un renforcement du statut juridique des rédactions. Il souhaite également introduire une charte déontologique dans la convention collective et adopter une loi anti-concentration dans les médias : « empêcher les groupes qui dépendent de la commande publique de posséder des médias, élargir les règles anti-concentration sans tenir compte du support ».
Dans les instances, il veut créer un Conseil national des médias « qui sera constitué de représentants des pouvoirs exécutifs et législatifs, de représentants des professionnels du secteur et de représentants des usagers des médias chargés du contrôle du respect de la loi anti-concentration ». Élire au Parlement les présidents de France Télévisions et de Radio France « afin d’éviter les nominations politiques et la soumission des chaînes publiques aux intérêts du pouvoir exécutif. »
Anne Hidalgo
Candidate du Parti Socialiste. La question des médias apparaît dans son programme dans un volet spécifique dédié. Signataire du Pacte Démocratique « Faire gagner la démocratie » qui comporte un volet média.
Son constat : « La concentration des médias et de la diffusion de la création, aujourd’hui dans les mains d’un petit nombre de grands acteurs, sera demain limitée par la loi ». (Programme).
- Principales mesures : limiter par loi la concentration des médias, réformer la loi de 1986 sur l’audiovisuel, renforcer le service public par la redevance.
Pour les médias indépendants, elle veut élargir l’accès au régime économique des aides à la presse pour y inclure les médias en ligne.
Dans les rédactions, la candidate entend intégrer les représentant·es du personnel salarié dans les organes de gouvernance.
Dans le secteur des médias, elle ne souhaite pas baser la redevance uniquement sur la télévision mais plutôt la maintenir et la rendre universelle et plus juste. « Un élargissement de l’assiette permettra en retour de la rendre plus juste avec des pondérations et des exonérations sociales ». Comme Yannick Jadot, elle propose de conditionner les aides à la presse au respect des codes déontologiques du journalisme.
Dans la loi, elle souhaite lutter contre la concentration des médias en donnant un statut juridique aux rédactions, en actualisant la loi de 1986. Elle veut également créer un délit de trafic d’influence en matière de presse « afin de limiter les pressions sur les rédactions ».
Dans les instances, renforcement des prérogatives de l’ARCOM en incitant l’Autorité de la concurrence à agir face aux risques croissants de concentration des médias et envisager la création d’une autorité indépendante de régulation des médias (en fusionnant l’ARCOM, les comités d’éthique, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation).
Yannick Jadot
Candidat Europe Écologie Les Verts. Il a fait des vœux à la presse le 7 janvier. La question des médias apparaît dans son programme dans les paragraphes liés à la démocratie et à l’Europe. Signataire du Pacte Démocratique « Faire gagner la démocratie » qui comporte un volet média.
Son constat : « La concentration menace le droit à une information libre et pluraliste, s’attaque à l’indépendance du journalisme et met l’information au service d’intérêts industriels et politiques » (communiqué à la suite de la sortie du documentaire Mediacrash).
- Principales mesures : conditionner les aides à la presse, renforcer les règles anti-concentration, investissement citoyen dans les médias, réformer l’Arcom.
Pour les médias indépendants, il veut favoriser leur émergence « en mobilisant le BPI au service de la presse et des médias, en facilitant l’investissement citoyen pérenne dans les médias et le mécénat en réhaussant le plafond de la déduction d’impôt des dons de particuliers aux organes de presse de moins de 50 salarié·es ». Il entend élargir aux médias en ligne l’accès aux aides à la presse et développer de nouveaux statuts pour les entreprises de médias afin de « garantir des ressources stables et une meilleure indépendance ».
Dans les rédactions, il souhaite donner aux journalistes un pouvoir contraignant sur la nomination du ou de la directrice de la rédaction et publier l’identité des personnes physiques qui contrôlent les médias « par la révision de la loi Bloche de 2016 ».
Dans le secteur des médias, il a l’intention d’intégrer la presse en ligne dans les seuils de concentration des médias et repenser les critères donnant accès au statut de média.
Concernant les aides à la presse, le candidat entend les conditionner au respect de nouveaux critères (gouvernance paritaire dans les organes de contrôle, seuil minimum de journalistes au sein de la rédaction, respect du droit social et des conventions collectives, égalité salariale entre les femmes et les hommes et de mise en place de cellules de signalement des violences sexistes et sexuelles) et au respect des codes déontologiques du journalisme (limiter, voire couper les aides à la presse pour les médias ne respectant pas les codes déontologiques du journalisme).
À l’inverse, les médias d’investigation investissant des moyens importants pour produire de l’information de qualité pourront bénéficier d’aides.
Dans les instances, il envisage veiller au financement équitable des médias par les GAFAM : revoir la législation pour faire respecter les droits voisins et créer une autorité indépendante de régulation des médias « en fusionnant ARCOM, comités d’éthique, Conseil de déontologie journalistique et de médiation ».
Dans la loi, il veut rétablir le droit à la diffusion d’images, notamment « pour garantir le droit à l’information sur les violences policières », et abroger l’article 36 de la loi « séparatisme » de 2021. Créer un délit de trafic d’influence en matière de presse : afin de limiter les pressions sur les rédactions. « La loi devrait sanctionner pénalement tout interventionnisme abusif des propriétaires et dirigeants de médias qui auraient pour objectif de favoriser leurs intérêts ou ceux d’un tiers ».
Valérie Pécresse
Candidate Les Républicains. La question des médias apparaît dans son programme dans le paragraphe « impôts ».
Son constat : « À l’heure des fake news, on a besoin d’un audiovisuel dont on est sûrs que les informations sont fiables ». (FranceInfo, le 6 avril 2022)
- Principale mesure : Supprimer la redevance audiovisuelle
Dans le secteur des médias, elle veut remplacer la redevance audiovisuelle jugée « obsolète, par un financement budgétaire qui sera précédé chaque année d’un avis de l’ARCOM sur les moyens de l’audiovisuel public ».
Elle entend sécuriser le budget de la création audiovisuelle en France avec une loi pluriannuelle et recentrer l’audiovisuel public sur ses missions de service public.
Philippe Poutou
Candidat NPA. La question des médias apparaît dans son programme dans un paragraphe dédié, présenté sous forme de liste.
Son constat : « Loin d’être des contre-pouvoirs, les médias de masse sont aux mains de grands groupes capitalistes. La mainmise du milliardaire d’extrême droite Bolloré sur Canal Plus, CNews, Europe 1… est édifiante quant à ce qu’elle dit de la collusion entre médias et capitalisme. Il faut combattre cela et créer les conditions du pluralisme et d’une information de qualité ». (Programme)
- Principales mesures : refonte du système des aides à la presse, démantèlement de l’Arcom (fusion du CSA et d’Hadopi), mise en place d’une législation anti-concentration.
Pour les médias indépendants, il propose un plan d’aide aux médias associatifs et à but non lucratif et la « mise en place d’une législation anti-concentration », sans plus de précisions. Il souhaite une refonte du système des aides à la presse, « qui favorise les plus gros ».
Dans les rédactions, il souhaite instaurer un droit aux rédactions et sociétés de journalistes d’exercer un contrôle sur les décisions économiques et éditoriales de leur média, avec droit de veto.
Dans la loi, « une personne, un groupe de personnes ou une entreprise ne devrait pas pouvoir posséder plus d’un titre de presse ou un canal de télévision ou de radio » et il veut interdire la propriété de médias à des entreprises qui contractualisent avec l’Etat.
Au niveau des instances, il propose le démantèlement de l’Arcom (fusion entre Hadopi et le CSA) et la création d’un organisme démocratique associant les journalistes, salarié·e·s des médias et usagers·ères.
Nicolas Dupont-Aignan
Candidat Debout la France. La question des médias apparaît dans son programme dans les onglets « culture » et « numérique ».
Son constat : « La puissance publique a progressivement et insensiblement renoncé à imposer la moindre contrainte au secteur public de l’audiovisuel, aussi bien sous l’angle de la qualité qu’en volonté de défense de la création française et francophone ». (Programme).
- Principale mesure : mettre les services publics audiovisuels au service de la transmission de la culture.
Dans le secteur des médias, il veut mettre les services publics audiovisuels au service de la transmission de la culture « avec des programmes ambitieux, exploitant les synergies avec les institutions culturelles françaises », créer une plateforme publique unique de diffusion des contenus culturels « regroupant les contenus de l’audiovisuel public, de la BNF, des grands musées, etc ». Il veillera à l’usage du français dans les médias « en exigeant des organismes publics de contrôle des médias et de la publicité un respect strict et assorti de sanctions réelles, de la Constitution et des lois et règlements pertinents ».
Aller plus loin
- L’association Un bout des médias a publié un outil qui analyse et passe au crible les programmes des candidat(e)s concernant l’indépendance des médias.
- Les propositions du Spiil, le Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne, dans le cadre de l’élection présidentielle.
— Transparence : Baptiste Thevelein, cofondateur de Médianes, a répondu aux questions de l’équipe de campagne de Yannick Jadot dans le cadre de la préparation des propositions du candidat. Baptiste Thevelein n’a pas participé à la rédaction de cet article.
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