Apprendre à déléguer : pourquoi et comment ?
Montée en compétences, viabilité du média… La délégation est essentielle pour construire un modèle d’entreprise vertueux. Nous vous partageons ici nos conseils pour apprendre à confier des responsabilités à son équipe.
Confiance, savoir-faire et savoir-être… La délégation demande de maîtriser des compétences qui sont loin d’être innées ; elle requiert une exigence et une flexibilité qui alourdissent souvent la charge de travail et mentale des managers. Comme de nombreuses pratiques managériales, elle a par ailleurs tendance à être absente des formations aux métiers des médias. Pourtant, chaque partie prenante trouve son compte quand la délégation est correctement mise en place : les dirigeant·es, les membres de l’équipe et l’entreprise.
Assurer la viabilité de son média
Avoir une vision stratégique à long terme est trop souvent perçue comme incompatible avec la réalisation des tâches du quotidien. Pourtant, un modèle de production basé sur l’immédiateté n’a que très peu de chances d’être viable. Réaliser les missions en silo n’aura d’effet positif que sur le court terme : les risques seraient une solitude dans le travail, un manque de modèles à suivre, des personnes qui s’épuisent, d’autres qui se sentent impuissantes… Un désengagement des salarié·es, en somme ! Déléguer est, a contrario, une façon d’optimiser la production sur le long terme. Que ce soit pour être capable de se désengager d’une mission, de gérer vos imprévus et de partir l’esprit libre (maladie, congés…), il est essentiel de limiter les personnes irremplaçables. Alors, comment faire ?
Soigner le parcours d’intégration des équipes
Vous avez une nouvelle recrue ? Vous pouvez mettre en place un guide de bienvenue permettant d’accéder aux outils, méthodes, usages, et valeurs de l’entreprise. Chez Médianes, on réunit tout cela dans un kit qui contient notamment les biographies de l'équipe, un aperçu de notre organisation et notre charte éditoriale et déontologique. Cela permet à chacun·e d’avoir une base commune.
Vous embarquez quelqu’un sur un nouveau projet ? D’abord, ce dernier doit être prêt à être délégué. Ensuite, essayez de prendre du recul sur la façon dont vous avez l’habitude de gérer et réaliser des tâches similaires. En expliquant le contexte et en faisant office de guide au moment de confier le travail à un collègue, vous lui donnerez les clés pour réussir. En partageant à l’écrit les bonnes pratiques à adopter, les étapes d’un projet, les ressources (cas pratiques, tutoriels, outils utilisés) et les informations sur la mission (échéances, contexte général, priorités, livrables), vous facilitez la réalisation de la tâche. Ces 15 minutes que vous prenez là vous en feront gagner de nombreuses par la suite ! Se détacher de vos chantiers habituels pour les décrire et les transmettre à autrui vous permettra en plus d’identifier les procédures et méthodes qui ont besoin d’être revues.
Centraliser les informations
Centraliser les informations sur une plateforme collaborative unique et faciliter la prise de note à chaque réunion via un outil de transcription automatique peuvent vous faire gagner un temps précieux et favoriser l'autonomie de chacun·e. Nous vous conseillons de limiter les échanges privés, au profit de conversations rendues publiques : de ce fait l’ensemble des collaborateur·rices peuvent avoir accès aux manières de faire, s’en inspirer et les intégrer dans leurs habitudes.
Assurer un suivi
Vous pouvez concevoir la phase de délégation en étapes : commencez par proposer un point de suivi pour donner une date butoir à votre collaborateur·rice. C’est une manière de lui indiquer le temps qui vous semble nécessaire pour réaliser la tâche. Observez comment cette première étape s’est déroulée et tirez vos conclusions : un prochain point-étape est-il nécessaire ? Jugez-vous la personne autonome sur la mission ? L’idée n’est pas d’abandonner la personne que vous mobilisez, mais plutôt de n’intervenir que là et quand cela est vraiment utile : créez les conditions pour qu’elle ait le moins besoin de vous ! Proposer des points d’étape pour commencer est une façon de rassurer dans un premier temps, de cadrer, et d’autonomiser la personne à terme.
⟶ Les délais ne seront pas les mêmes ! Il est important de prévoir un temps de formation, incluant une mobilisation de votre côté en début de projet pour regarder, faire des retours et valider ce qu’a produit votre collaborateur·rice. La mission que vous déléguez demandera un temps de réalisation supplémentaire à la personne à qui vous la confiez.
⟶ Une délégation n’est pas toujours être efficace du premier coup, et personne n’est magicien·ne. Testez des façons de faire et affinez la méthode.
Pérénniser ses équipes
Déléguer est également une façon de pérenniser les membres de son équipe et d’engager ses talents au sein d’un projet dans lequel ils sentent qu’ils sont valorisés et qu’ils gagnent en compétences. Quelques conseils pour vous aider.
Identifier ce qui est important
Demandez-vous ce qui vous semble important pour vous sentir en confiance. Quelle compétence, quel comportement recherchez-vous en priorité ? Sur quel(s) critère(s) repose(nt) une tâche bien réalisée ou un projet bien mené ? Chez Médianes, c’est en premier lieu la rigueur qui est une condition de la confiance — et la confiance, une condition de la rigueur. Nous sommes par exemple attentif·ves aux détails (tels que la mise en forme), à ce que chacun·e partage sa progression sur une tâche. À vous, bien-sûr de savoir quels sont vos critères à vous !
Développer une culture de l'apprentissage...
Permettre aux responsabilités des salarié·es d'évoluer et de croître avec eux·elles leur donnera confiance en leurs capacités, en leurs idées, et pourra les motiver à rester. Trois conditions définissent cette culture : l’ambition, l’acceptation de l’échec et l’autonomie. En pratique, cela signifie donner à chacun·e la possibilité de tirer des enseignements de ses expériences et de rester en apprentissage constant. Des entreprises telles que Etsy concrétisent cette vision en mettant en place des « écoles internes » et en analysant régulièrement les succès et les échecs, permettant ainsi à tout le monde d’apprendre des erreurs communes. Cette approche, fondée sur la confiance et la bonne foi des individus, facilite une délégation plus efficace et harmonieuse des deux côtés.
...Pour responsabiliser les membres de son équipe
Si vous êtes dirigeant·e ou manager, nous vous invitons à consacrer du temps à l’accompagnement de vos collaborateur·rices. L’idée est que la personne puisse devenir responsable de son sujet, qu’elle obtienne le plein pouvoir sur sa tâche ou sa mission : c’est la culture de subsidiarité. Responsabiliser les membres de son équipe passe également par la construction d’un espace où chacun·e peut apporter son éclairage, ses idées : l’enjeu est que chaque personne puisse sentir qu’elle appartient au collectif et a son mot à dire.
Penser à soi
Il y a vos équipes, mais il y a aussi vous. Bien déléguer est certes une façon d’alléger sa propre feuille de route, mais également de constater que la vision que vous portez se diffuse au sein de votre équipe. Au-delà de générer un sentiment de satisfaction, il y a un vrai plaisir à voir évoluer les membres de son équipe et voir que le projet les engage.
Prendre du recul
Apprendre à déléguer, c’est aussi (et surtout !) apprendre à s’entourer, à inclure d’autres personnes dans son projet, quelle que soit sa taille (projet entrepreneurial, tâche spécifique…). Cela est sans aucun doute une façon de prendre du recul, car dites-vous toujours que la conception que vous avez n’est pas nécessairement la meilleure ; et vous ne pourrez pas découvrir autre chose si vous faites cavalier·e seul·e. Au-delà d’être une belle mission d’humilité, la pratique de la délégation favorise un modèle de management sain. Pourquoi est-ce important ?
Se nourrir et interroger sa pratique
Quand vous déléguez, vous pouvez voir les différences entre vos pratiques et celles de la personne à qui vous avez confié la tâche. Demandez vous ce que vous auriez fait différemment : est-ce vraiment nécessaire ? souhaitable ? prioritaire ? De la même manière, demandez-vous ce que votre collaborateur·rice a fait différemment et dont vous pourriez vous inspirer ! Une personne avec un regard neuf pourrait trouver des manières différentes et peut-être plus efficaces de faire ce que vous réalisez par automatisme depuis longtemps. La délégation ne se limite pas simplement à un transfert des responsabilités. Elle implique aussi d’élargir votre zone de confort et de repenser ce que chacun·e est capable de faire.
Savoir répondre à un autre besoin que le sien
Dans la maîtrise de la délégation, un point nous semble essentiel : admettre qu’il y a des choses relevant du personnel, voire de l’intime, qui ne sont pas délégables. Que ce soit la place qu’occupe un projet dans le quotidien, l’engagement dans l’entreprise… Il y a des convictions qui sont propres à chacun·e, et qu’on ne peut déléguer directement.
Accepter de limiter son contrôle
Nombreux·ses sont celles et ceux qui sont frileux·ses vis-à-vis de la délégation. En cause notamment, la peur de perdre du temps ou que le travail soit mal fait. Cela repose sur une fausse croyance selon laquelle personne d'autre que vous ne peut accomplir la tâche aussi bien. Il s’agit en somme d’une peur de perdre le contrôle. Or déléguer une tâche en exigeant qu’elle soit réalisée exactement comme vous le feriez restreint le groupe à qui vous pourriez demander de réaliser ce travail. En adoptant une posture plus ouverte et en acceptant d’autres approches, vous ouvrez de nouvelles perspectives.
Et après ?
Nous avons en tête que, confronté à la réalité de votre projet, ce programme peut avoir ses limites. Chez Médianes, nous en faisons nous-même le constat. Bien que nous travaillions à permettre à chacun·e de gagner à la fois en autonomie,en responsabilités et en compétences, nous n’avons pas encore réussi à systématiquement intégrer cela dans la pratique. Une partie de l’équipe n’a pas encore cessé d’être irremplaçable, certain·es peinent encore à déléguer de sujets, tantôt par convention, tantôt par égo. Ces dysfonctionnements-là, nous y sommes attentif·ves ; la phase de réorganisation interne que nous avons entamée en septembre 2023 est une première tentative de réponse à cela. Naturellement, nous avons également en tête que nous ne courons pas un sprint : la construction de Médianes se fait petit à petit, en testant, en se trompant, en tentant de corriger le tir. Cela prend du temps, c’est imparfait et parfois difficile, mais nous pensons que cette itération est nécessaire pour construire un projet viable et vertueux.
Pour aller plus loin :
- Éric Fottorino (Le 1), Johan Weisz (StreetPress), Juliette Quef (Vert) et Florent Peiffer (URBANIA France)... Leurs retours d’expérience lors de la soirée de lancement de notre livre « Créer un média ».
- Comment mener une gestion de projet efficace au sein de votre rédaction ? C'est la question centrale à laquelle nous tentons de répondre dans ce guide.
- Établir des procédures, assurer un suivi des projets et des salarié·es, être à l’écoute… Tout savoir sur nos pratiques managériales.
- À quoi ressemble un jour, une semaine, un mois, une année type chez Médianes ? Éléments de réponse.
- Que ce soit pour organiser nos réunions ou partager nos outils, découvrez les partages d'expérience de l'équipe de Médianes.
- Management, transformation, changement d’échelle, engagement de son audience, innovations éditoriales et économiques : dans la deuxième saison de notre podcast Chemins, nous recevons six fondateur·ices et dirigeant·es de médias pour partager des stratégies et bonnes pratiques pour bien se développer.
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