Le média du mois : It's Nice That

Chaque mois, un·e membre de l'équipe vous dresse son analyse d'un média qu'il ou elle apprécie particulièrement. Sous nos yeux pour cette édition, le site britannique de culture visuelle It’s Nice That.

Christelle Perrin
Christelle Perrin
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Carte d'identité du média

Nom : It’s Nice That
Nationalité : Anglaise
Année de création : 2007
Fondateur·ices : Non précisé
Modèle économique : Fait partie de The HudsonBec Group qui fait partie de Residence
Support : Web
Type de média : Actualité et culture visuelle
Langue(s) de publication : Anglais

J’ai découvert It’s Nice That lors d’un stage en agence de publicité, au tournant de l’année 2013 — en même temps que le merveilleux site/blog FFFFOUND!, compilant d’excellents projets graphiques, hélas disparu depuis. J’étais à l’époque tout juste bachelière, avec une idée particulièrement floue du métier que j’aimerais exercer. Le graphisme, ça m’intéressait peu, mais la rencontre avec It’s Nice That fut un choc : pardon, il existe autant de graphismes différents ? Comment, il y a des gens qui créent, à la main, ces publicités et affiches qu’on croise dans la rue ? Qui a toutes ces bonnes idées ? Et à quoi pourrait bien servir un tel site ?

Réfléchir à ce qui forge une pratique

Ce qui fait la plus grande richesse de It’s Nice That, à mon sens, est ce qui manque souvent dans les revues et sites de culture graphique : au delà des projets terminés, en marge des innovations et des grands noms, prendre le temps de réfléchir à ce qu’on fait, à ce qu’on est, à ce que serait ou pourrait être le graphisme aujourd’hui : écologiste, queer, féministe, humble ?

La section POV est focalisée sur des sujets de fond, plutôt que de forme, qui agitent les designers

Ces idées vous trottent sous la peau depuis des lustres, parfois il vous semble qu’il n’y ait rien à en penser tellement elles tomberaient sous le coup de l’évidence : bien sûr que je préfère créer un graphisme utile, agréable aux personnes qui le reçoivent, lisible, plutôt qu’innovant, amusant à faire ou flatteur pour mon ego. Ce, jusqu’à lire les mots d’une personne articulant parfaitement ce qui vous gêne, ce qui vous intrigue, et l’éclaire sous un jour nouveau. Non, tout cela n’est pas inné, et encore moins naturel.  

Le média organise également des événements, les Nicer Tuesdays : des rencontres hebdomadaires à Londres où les créatifs peuvent s’informer et partager leurs idées.

On trouve aussi une section entièrement tournée vers les interviews, des conversations avec des créatifs — graphistes, photographes, artistes...

À la lecture de ces contenus, on est amené·es à réfléchir aux raisons conduisant à des changements, des évolutions, à pourquoi tel projet est mené de telle manière plutôt que telle autre, et finalement à s’aventurer au-delà des goûts et des couleurs pour comprendre un produit.

S’inspirer du travail des autres

En cas de pic de curiosité ou de recherche d’inspiration, il est toujours salvateur d’aller regarder de près ou de loin les formes qui prolifèrent sur les pages de It’s Nice That, d’aller par exemple regarder comment Figma a designé l’identité visuelle d’une conférence, ou bien aller traquer les nouveautés, comme on se tiendrait au courant des sorties ciné. Eh, as-tu vu la nouvelle police de Spotify ? Pourquoi ont-ils déboursé tant d’argent pour changer quelque chose que la plupart des personnes ne remarqueront pas consciemment ? Et c’est passionnant comment le Guardian est passé du numérique aux papier/ciseaux pour fabriquer ses visuels, dans un contexte où les visuels réalistes générés par intelligence artificielle brouillent la frontière entre le réel et le faux, ne trouves-tu pas ?

Politiquement, on peut s’attarder sur le rôle des graphistes, en proposant par exemple des affiches libres de droit, librement modifiables

Il est aussi possible de voir ce qui ressort, si on tente de pousser un concept au bout : créer une identité visuelle uniquement sur des ronds de trois couleurs ? 

It’s Nice That bénit ce monde par son existence depuis 2007. Il fut lancé avec l'objectif « d'inspirer la communauté créative mondiale, [de partager] des histoires, des perspectives et [de rassembler] les gens pour les aider à tirer le meilleur parti de leur créativité. »

En fouillant un peu, on découvre que le projet est né en réponse à la demande d’une université qui proposait de publier quelque chose qui aide les gens à se sentir mieux dans leurs baskets. Ça donne du grain à moudre.

Se reposer dans un environnement apaisant

Visuellement, le site de It’s Nice That est un petit bijou, ainsi que le royaume des bonnes pratiques. La structure est claire, les sections bien définies, et la hiérarchie limpide entre les niveaux de titre et de texte. 

Bienvenue dans ce monde merveilleux de clarté et de finesse, je ne vais jamais en sortir, en fait
La perfection du texte de contexte en trois lignes italiques pourrait me faire pleurer de joie

Comme le site est une vitrine qui met en avant de nombreux projets visuels, l’identité visuelle du média est discrète — la couleur n’étant trouvée que sur les étiquettes de catégorie, et au survol de liens cliquables, tout le reste est en blanc et noir — mais aussi très fine, avec des polices très lisibles et confortables à lire. Chaque détail est délicatement réglé, c’est un régal pour les yeux.

Pour aller plus loin

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Christelle Perrin Twitter

Christelle est la directrice artistique associée de Médianes. Elle est en charge de la direction artistique des projets accompagnés, et de Médianes.