Comment tirer parti du format newsletter

La newsletter peut être bien plus qu'un simple outil de promotion pour ses derniers articles. Il est possible de l'imaginer comme un produit incarné pour parler directement à sa communauté, de la thématiser en fonction de l'actualité voire de la structurer en cycles finis. Toutes nos recommandations pour vous aider à imaginer une newsletter qui sorte du lot.

1. Créer un véritable projet éditorial

Souvent, la newsletter est réfléchie comme le prolongement d’un média ou d’une proposition éditoriale et vise à fidéliser un lectorat via des revues de presse et de la veille. Elle est également considérée comme un moyen de confirmer la légitimité et l’expertise journalistique de ses autrices et auteurs. Si l’idée est louable – les recommandations permettent d’incarner et sont toujours appréciées – il est également possible de considérer la newsletter comme un média avec un projet éditorial natif plutôt que comme un à-côté. Et ce peut être un vrai terrain de jeu.

Et concrètement ?

• La newsletter Rembobine, lancée en 2022 par trois journalistes indépendant·es propose, chaque semaine, d’effectuer un retour sur l’actualité de l’année précédente. Quelles informations faisaient la Une ? Où en sommes-nous sur ces sujets aujourd’hui ? L’idée est de mesurer l’impact du journalisme sur la société en effectuant un retour en arrière. 
• Artips est une newsletter initialement lancée en 2013 dans le but de fournir « une explication courte et originale d’une œuvre d’art célèbre ou peu connue ». Le média compte aujourd’hui quatre nouvelles newsletters sur les sciences, le sport, la musique et l’économie qui suivent le même principe. Un format original d’anecdote qui convient parfaitement à une diffusion sous forme de newsletter. Pour monétiser le projet, le média a développé un studio qui propose d'adapter son format de newsletter signature aux besoins d’entreprises et institutions.
• L’Intimiste est un média « dédié à l’actualité alternative des événements de la vie ». Il s’agit d’un magazine publié sous forme de newsletters et contenant des textes longs, de la photographie, de l’art et des nouvelles. Une promesse surprenante qui permet de sortir nos boîtes mail du bouillonnement de l’actualité et de prendre le temps de se plonger dans des histoires au long cours.

2. Imaginer des cycles

Structurée en épisodes ou en séquences, une newsletter peut tout à fait être pensée comme un produit éditorial fini, à consommer comme une série. L’avantage réside alors dans son excellent rapport qualité-prix : l’écriture prend un temps défini et une fois créée, la newsletter continue à vivre tant que l’inscription reste ouverte. De quoi offrir un contenu riche avec un coût de production relativement faible.

Et concrètement ?

• Pour mettre en place un cycle de bienvenue, comme Nice-Matin : le groupe s'apprête à lancer une newsletter destinée aux nouveaux·elles arrivant·es à Nice. Celle-ci comptera huit épisodes et donnera aux néo-niçois·es des clés sur l'histoire de la ville, son patrimoine, sa cuisine, ainsi que des conseils pratiques pour s'installer et réaliser ses démarches administratives. « Le pari, c'est de se dire que si on a embarqué un·e lecteur·rice sur à peu près deux mois et qu'on lui a rendu des services pertinents, il sera plus simple de le·la convertir en abonné·e », souligne Olivier Marino, directeur adjoint des rédactions de Nice-Matin dans cet entretien auprès de Médianes.
• Pour créer un système de cours en ligne, comme le Wall Street Journal : À l’été 2020, The Wall Street Journal est allé plus loin avec « Money Challenge », un cours pour enseigner les bases de la finance personnelle. Pendant six semaines, les participant·es reçoivent un e-mail hebdomadaire d'exercices, de conseils et même de devoirs. Pour aller plus loin, retrouvez notre entretien avec Robin Kwong, responsable de la fidélisation de l’audience au Wall Street Journal.
• Pour valoriser ses archives, comme le Pew Research Center : l’utilisation et la promotion des archives est un enjeu courant — si ce n’est systématique — pour les médias. Le Pew Research Center a trouvé une façon maligne de les faire vivre grâce à un système de mini-cours par e-mail issus de productions existantes. Vous avez envie d’en savoir plus sur l’immigration aux États-Unis ? De creuser le dernier recensement de la population américaine ? Vous pouvez vous inscrire gratuitement pour recevoir cinq leçons, directement dans votre boîte mail. 

3. Incarner, incarner, incarner

Vous cherchez un médium permettant de vous présenter et de raconter votre projet au quotidien ? La newsletter est l’espace parfait pour partager vos réflexions et recommandations, tout en permettant à l’audience de mieux connaître les visages derrière les histoires. Plus qu’un simple canal d’information, celle-ci devient ainsi un moyen d’incarner les valeurs et la ligne éditoriale de la rédaction… et donc, de fidéliser le lectorat en créant un lien de confiance et de proximité.

Et concrètement ?

• Côté coulisses, La Fabrique de StreetPress est une newsletter qui raconte les secrets de fabrication du média entre nouvelles arrivées et développement de l’organisation. Au fil de la lecture, la newsletter distille des anecdotes sur les premières années du média, entre galères de reportage et petits miracles qui font le sel de l’aventure entrepreneuriale. Un excellent moyen de construire son récit tout en offrant une session de rattrapage aux nouveaux et nouvelles arrivant·es. Le média ayant un modèle économique basé en partie sur le don, c’est aussi une façon de donner un visage au média en rappelant aux lecteur·rices à qui et où va leur argent et pourquoi leur soutien compte.
• Côté recommandations, citons Aux petits oignons, newsletter du site de critique média Arrêt sur images incarnée par sa rédactrice en chef adjointe, Pauline Bock. Chaque semaine, la journaliste partage son regard sur l’actualité média par le biais d’un édito avant de distiller ses lectures coups de cœur et sa sélection d’articles utiles pour comprendre la fabrique médiatique de la semaine passée. Le lectorat s’habitue à la présence hebdomadaire d’une journaliste à qui il fait confiance, dans sa boîte mail ; il peut ainsi se nourrir de recommandations personnalisées, comme si celles-ci venaient d’un·e proche.

4. Vous faire connaître

Lorsque l’on se lance dans un nouveau projet de média, la newsletter est souvent une évidence pour se présenter à son lectorat, susciter l’intérêt et mobiliser une première communauté de fidèles. La newsletter agit ainsi comme une vitrine sur le contenu et la personnalité du média naissant.

• La newsletter du média épistolaire La Disparition a été lancée avant le média dans le but de présenter le projet, de susciter la curiosité et de réunir une première base de fidèles. « Cela nous a permis d’installer la thématique des disparitions dans l’actualité et de prouver tout l’intérêt, toute l’originalité et toute la légitimité de notre projet. [...] Nous avons choisi de profiter des six mois que nous avions devant nous avant le lancement de nos lettres papier pour expliquer cette vision au sein d’une newsletter. Cela nous a permis d’acquérir une première communauté et de ne pas se retrouver à dire “salut, on lance un média papier, personne ne nous connaît et on va parler de disparitions, abonnez-vous !”. Cela aurait sûrement été un peu étrange. Au début, on gagnait près de 400 abonné·es chaque mois. On s’est retrouvé·es à 1600 abonné·es au bout de quatre mois », explique François de Monès, cofondateur de La Disparition auprès de Médianes.

5. Thématiser

Si votre newsletter est un produit complémentaire visant à prolonger les récits de vos journalistes ou à promouvoir votre revue, il peut être intéressant de la thématiser. L’idée consiste alors à reprendre, parmi les sujets abordés dans votre revue, un article qui résonne avec l'actualité au moment de l’envoi de votre newsletter. Vous pouvez ensuite présenter la façon dont vous avez choisi de traiter ce sujet avec votre média puis prolonger la réflexion par le biais de recommandations de lectures, de podcasts ou de vidéos provenant d’autres sources. 

Et concrètement ?

• La newsletter de Pays, revue sur les territoires cofondée par Médianes, traite sous forme de revue de presse une thématique abordée dans l'un des articles de la revue. À l’occasion de chaque nouveau numéro, ses couleurs sont adaptées à la charte dudit volume, permettant d'alerter visuellement sur la sortie imminente d'un nouvel ouvrage. La newsletter peut ainsi donner la possibilité de présenter le numéro et les 5 raisons de s’abonner à la revue.
• Du côté de la revue féministe La Déferlante, la newsletter répond à l’actualité en (re)publiant des entretiens et contenus parus ou à paraître dans la revue. Oser le long format au sein d’une newsletter peut être une stratégie intéressante pour se démarquer parmi les nombreux e-mails d’actualité chaude. C’est également un excellent produit d’appel qui donne envie de se procurer la revue en mettant au centre la qualité éditoriale plutôt qu’une nouvelle offre marketing. Et hormis l’intégration, cela ne prend pas de temps supplémentaire.

6. Tester la plateforme LinkedIn

Depuis quelques années, LinkedIn propose à ses utilisateur·rices de créer une newsletter directement depuis le réseau social. Désormais, près de 143 000 newsletters coexistent sur la plateforme et plus de 500 000 personnes sont abonnées à au moins l’une d’entre elles. Selon Keren Baruch, Directrice produit chez LinkedIn, 150 diffuseurs de presses disposent désormais de leur propre newsletter. Un phénomène encouragé par le fait que LinkedIn inspire davantage confiance aux professionnel·les de la presse compte tenu des déboires de Meta, de Google ou de X. De quoi toucher de nouvelles audiences et gagner en visibilité.

Et concrètement ?

• Voilà un an que Le Figaro raconte dans sa newsletter LinkedIn Construire Le Figaro les coulisses de ses projets et ses réflexions pour améliorer ses produits. Dans une édition, l’équipe Produit revient avec moult détails sur toutes les étapes de réalisation du Figaro Cuisine, l’application de recettes du quotidien. L’angle de la newsletter est malin : quoi de mieux qu’une plateforme professionnelle pour raconter comment se construit un journal ? Abonnements, produits, technologie, expérience utilisateur… Leur organisation interne y est décrites avec humilité et transparence.
• Le magazine londonien The Economist a lancé en juillet 2022 The Economist Week Ahead, leur première newsletter envoyée via LinkedIn. Le magazine compte 13 millions d’abonné·es sur LinkedIn, d’où l’intérêt d’exploiter cette communauté en profitant de la fonctionnalité proposée par la plateforme. Dans cette newsletter, le rédacteur en chef du numérique Adam Roberts explique le processus de décision interne à The Economist, la façon dont le média prépare les grands sujets à venir ainsi que son expertise et ses conseils sur l’actualité. La seconde partie présente des chroniques sur la culture du travail et des conseils de lecture. Les abonné·es de The Economist sont presque trois fois plus susceptibles de partager du contenu que l'utilisateur moyen de LinkedIn. Le titre a également vu ses abonnements augmenter depuis le lancement de cette newsletter.
• Sur LinkedIn, la BBC anime une newsletter portant sur le monde du travail : Worklife101. Celle-ci a été conçue spécifiquement pour LinkedIn. Près de 2 millions de personnes y sont abonnées et, plus important encore pour la BBC, beaucoup commentent et réagissent aux contenus qui y sont publiés. « Nous sommes toujours attentifs aux conversations dans les commentaires ou les partages. Les articles qui font parler les gens - qu'ils soient d'accord ou non - sont considérés comme des succès pour nous, affirme Meredith Turtis dans cet entretien, l'une des caractéristiques les plus uniques de LinkedIn réside dans le fait que les gens veulent parler, et qu'ils parleront - son interface facilite et encourage cette démarche. »

7. Prolonger l’expérience pour les ultras

Vous recevez toujours beaucoup de réponses à chaque envoi de votre newsletter ? Cela signifie peut-être qu’il est temps de songer à ouvrir un espace sur lequel vos abonné·es pourront échanger, débattre et partager leurs propres recommandations. En plus de créer de l’engagement, ce lieu pourra devenir une mine d’or où trouver des idées pour les prochaines éditions et faire naître de nouveaux projets.

• La newsletter sur la culture web Dirt possède un Discord sur lequel les abonné·es peuvent s’inscrire et partager leurs lectures, bons plans et réactions suite à la réception de la newsletter. La communauté est tellement soudée qu’elle n’hésite plus à créer des canaux où les sujets abordés dépassent largement le thème de la newsletter : on y parle jardinage, tennis, décoration d’intérieur. 
• Vous n’êtes pas très Discord ? Il y a encore des tas de choses à inventer sur la plateforme professionnelle Slack, via les canaux WhatsApp et Instagram ou encore sur Twitch, en réalisant des moments de questions-réponses avec son lectorat. Pour cela, on vous laisse vous inspirer des retours d’expérience du magazine sur le rap Mosaïque ou encore d’Arrêt sur images.

8. Veiller à l’accessibilité

Aujourd’hui, 12 millions de Français·es, soit un peu moins de 20% de la population, se trouvent en situation de handicap. Ce chiffre s’élève à 40% en comptant les handicaps temporaires. L’accessibilité des contenus n’est donc pas un point de détail, d’autant que la boîte de réception est l’un des espaces numériques les plus fréquentés. Notons également que la durée moyenne d'attention pour les newsletters est d'un peu plus de 13 secondes. D’où l’intérêt de soigner le contenu et le contenant en les rendant digestes et faciles à parcourir.

Et concrètement ?

• Pour un contenu accessible, pensez à rédiger des phrases courtes, divisées en petits paragraphes avec des extraits mis en exergue tout au long du texte. Évitez le jargon en optant pour des mots couramment utilisés afin de rendre le texte compréhensible pour celles et ceux qui n’ont ni votre expérience ni votre expertise. Enfin, l’absence d’image vaut parfois mieux qu’une illustration difficilement compréhensible ou non inclusive.
• Pour un contenant accessible, utilisez une taille de police d’au moins 14 px et veillez à ce que le contraste de votre texte soit élevé. Préférez des textes noirs sur fond blanc, ou l’inverse. Pensez également à indiquer clairement les liens, par exemple en utilisant une couleur différente ou en veillant à souligner cette partie du texte. Enfin, veillez à la hiérarchisation de vos contenus afin de permettre à vos abonné·es de traiter l’information plus facilement.
• Nous vous recommandons la lecture de ce guide, pub­lié sur le site d'Inbox Collective et traduit par nos soins afin de rendre le design et le contenu de vos newsletters accessibles au plus grand nombre.

Pour aller plus loin

• Besoin d'entrer dans le concret ? Nous avons traduit pour vous les 52 conseils de Dan Oshinsky, fondateur du site InboxCollective pour faire grandir l'audience de votre newsletter.
• Pour rester à jour sur l'actualité, trouver des recommandations littéraires ou tester de nouveaux outils de travail, les newsletters sont nos meilleures alliées. Voici le top 50 de l'équipe de Médianes.
• Objectifs, formats, diffusion… Cette fiche pratique vous accompagne dans votre réflexion pour créer, lancer ou optimiser votre newsletter. 
• Créer et diffuser une newsletter efficace est un art qui requiert une attention particulière aux détails, de la délivrabilité à l'accessibilité. Découvrez nos 5 conseils pour concevoir votre newsletter.
• Médianes a assisté à une série d'ateliers, organisés par l’American Press Institute, axés sur les stratégies de rémunération et de fidélisation. Sur la base d’échanges avec de nombreux profession·elles, nous avons listé quelques conseils et cas pratiques dont vous pourrez vous inspirer.
• Pour (ré)engager son audience, toucher de nouvelles cibles ou inciter à l'abonnement, les newsletters éditoriales sont un outil précieux. Comment les médias locaux peuvent-ils s'en emparer ?
• Pour ne pas en faire une austère con­fir­ma­tion d’inscription, le mot de bien­v­enue mérite d’être pen­sé comme un levi­er de fidéli­sa­tion. Parce qu’il est le pre­mier lien entre un média et sa com­mu­nauté, autant faire bonne impres­sion. Voici quelques idées et bonnes pratiques.
• Léry Jicquel est le fondateur du Concentré Vélo, une newsletter sur l’actualité de la culture cyclable. Il nous décrit les différents leviers de financement de sa newsletter, de la sponsorisation au job board en passant par un catalogue de Noël. Au cœur de sa stratégie ? Une vision « produit ».
• Jean Abbiateci est le fondateur de Bulletin, un média de newsletters optimistes créé en 2020 et qui comprend aujourd'hui un studio de formation. En 2022, il lance Le Dico des mots extraordinaires, un livre compilant le meilleur de la rubrique préférée des abonné·es à sa newsletter gratuite. Par ici pour lire notre entretien.
• Lorsque vous lancez votre newsletter, vous vous positionnez en tant qu’expert·e d’un sujet. Cette expertise peut vous guider dans la recherche de votre modèle économique. Si vos lecteur·ices ne sont pas prêt·es à payer un abonnement pour accéder à vos ressources ou à votre veille, peut-être pourriez-vous leur proposer des formations personnalisées. C'est la formule adoptée par Léa Lejeune, fondatrice de la newsletter Plan Cash.
• On a longtemps présen­té le ser­vice de newslet­ters Sub­stack comme l’eldorado des jour­nal­istes indépendant·es. Quel bilan dresse-t-on de l’utilisation de la plateforme ?